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slavisme ; ils ne comptent donc que sur une révolution, ils l’appellent de tous leurs vœux. D’un autre côté, cette révolution ne diminuerait-elle pas l’ardeur belliqueuse de leurs propres socialistes ? Les « crimes du tsarisme, » quelle réponse commode aux prétentions démocratiques de, l’Entente ! L’ambassadeur Gérard raconte qu’à Berlin, dans les premiers jours de la guerre, il eut une entrevue avec Liebknecht. « Il me déclara, dit-il, que les socialistes étaient opposés au tsarisme et que, personnellement, il avait confiance dans l’armée allemande et dans la cause du peuple allemand. »

Entretenues par les prédications et les mensonges de la presse, les idéologies et les passions de l’Allemagne ne se modifieront guère au cours des événements. Mais ses haines se multiplieront, à mesure que croîtra le nombre de ses ennemis.


LES GRANDS ENTHOUSIASMES DE 1915

Durant les premiers mois de 1915, rien ne trouble l’unanime enthousiasme de la nation. Le coût de la vie augmente, les ménagères s’insurgent au marché, les fonctionnaires et les économistes ébauchent des plans de rationnement, mais ces premiers effets du blocus, s’ils gênent déjà beaucoup de monde, n’épouvantent personne. Les Autrichiens se font battre par les Serbes et les Russes, la Bukovine et la Galicie sont envahies, Przemysl tombe, mais ces revers n’atteignent que l’Autriche, et, pour rétablir les affaires, on compte sur la grande offensive que prépare Mackensen. Sur le front français, la guerre de positions se poursuit avec des alternatives diverses : simples combats « locaux, » affirme le grand État-major, et qui ne changent rien à l’excellente situation stratégique îles armées allemandes. Le peuple ne fait pas entendre une plainte. Dans les villes, la vie est large et joyeuse.

Vers le mois d’avril, des bruits de paix se répandent dans tout l’Empire. Le public les accueille avec un empressement qui irrite un peu les pangermanistes ; aussi est-il tout de suite averti que ces rumeurs sont nées chez l’ennemi à bout de force et de courage : l’heure n’est pas encore venue de tendre la main aux adversaires. Cependant, ces espoirs de paix, timidement avoués, ont alarmé ceux qui souhaitent la prolongation de la guerre. Immédiatement, les annexionnistes rédigent un