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Et ce haut champion de la Romanie contre la Germanie, c’est celui que les savants allemands réclament pour le « premier des empereurs allemands, » — mensonge étonnant qui a son but : il doit fortifier pire mensonge encore ; si l’Allemagne entend voler à la Francie Charlemagne, c’est que de la légende on entend tirer des « droits. » Il faut au « Rhin allemand » un Charlemagne allemand. Car voici que le Rhin, par un prodigieux malentendu historique, va passer des mains franques aux mains allemandes. C’est l’œuvre du traité de Verdun de 843 aggravé par celui de Mersen de 869, — tout unanimement la plus grandiose escroquerie de l’Histoire.


III. — UN GRAND TOUR DE PASSE-PASSE

Charlemagne est mort : son fils Louis lui succède, mais faible et, — dit la Chronique, — « débonnaire, » il laisse ses fils se partager de son vivant son héritage. Ils sont trois : Lothaire, Louis, Charles. Aix-la-Chapelle étant réputée première capitale de l’Empire, Lothaire, l’aîné des trois, y prétend ainsi qu’au titre d’empereur ; après la mort du père, les fils consomment le partage ; Lothaire, maître d’Aix-la-Chapelle et empereur, reçoit une large bande du territoire franc, — grosso-modo la partie située entre le Rhin, dans tout son cours, à l’Est, la Meuse, la Saône, le Rhône à l’Ouest, — avec l’Italie. Charles aura le reste de la terre des Francs, — une Francie diminuée d’un quart, — et Louis toutes les terres conquises jadis par Charlemagne sur la Germanie. C’est le traité de Verdun de 843, qui crée ainsi entre Francie et Germanie cet État artificiel, — Pays-Bas, Belgique, province rhénane, Lorraine, Bourgogne, Franche-Comté actuelles, vallée du Rhône, — qui, sous le fils de Lothaire Ier, Lothaire II, est appelé Lotharingie.

Mais, en 869, meurt, avec ce Lothaire II, cette branche de l’arbre carolingien. Que va devenir ce pays purement franc, partie jusque-là intégrante du royaume franc, berceau des Francs, berceau plus spécialement de la dynastie franque d’Héristal, peuplée de Gallo-Latins, parlant exclusivement le roman et marche traditionnelle de la civilisation latine vis-à-vis de la Germanie ? A tous ces titres, il devrait revenir à Charles, roi des Francs, et tout d’abord celui-ci s’en saisit, venant tout naturellement à Metz revendiquer son bien. Mais Louis, son frère,