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de son protectorat sur les terres du Rhin, et toutes les espérances sont permises dès avant que Richelieu apparaisse.

« L’empereur, lui a écrit un de ses conseillers, n’a aucun droit sur les terres qui sont en deçà du Rhin, que par usurpation, d’autant que cette rivière a servi de bornes à la France cinq cents ans durant. » « Vrai et primitif héritage de la couronne, » crient les publicistes. Condition absolue du rétablissement de la paix pour la République chrétienne qui, écrit l’un d’eux, « a été incessamment troublée depuis sept cent vingt ans par ceux qui ont envahi sur la couronne franc-gauloise quantité de beaux et importants États. » Richelieu, par une politique qu’aucune n’a égalée, s’apprête à nous porter enfin au Rhin : il y arrive par la réunion de l’Alsace qui, résultat d’un patient travail, retombe entre nos mains. Et toujours à la bonne volonté des magistrats et princes rhénans répond l’ardente entreprise de l’opinion française. De siècle en siècle, c’est le même rappel des droits non périmés. Condé, qui s’est porté à Spire, Worms, Mayence, écrit : « Le Rhin est retourné à ses anciens maîtres qui, depuis la deuxième race de nos rois, l’avaient perdu par leurs dissensions et leurs guerres civiles. » Précédant en quelque sorte les conseillers du Roi, un légiste aussi modeste que le Pierre Dubois du XIVe siècle, Jacques Cassan, écrit : « Les Francs ont hérité des Gaules et de toutes leurs annexes… Ils ont à reprendre la Lorraine, car elle est en territoires en deçà du Rhin qui ont été usurpés sur la France. » Et une fois de plus, l’Allemagne elle-même s’incline devant un droit, qui, en fait, a été par elle, jusqu’en 1814, rarement contesté. Alors qu’un roi de Suède, un roi de Danemark ne reçoivent, aux traités de Westphalie de 1648, des terres détachées de l’Empire qu’à titre de « membres de la Diète, » c’est en toute propriété que l’Alsace est rétrocédée au Roi et « à sa couronne. »

On est enfin au Rhin, — incomplètement. Vingt rois, — désireux de récupérer le domaine des Gaulois et des Francs, — cinquante ministres y ont peu à peu reporté, ou presque, notre empire ; un monde de publicistes et de légistes sortis des entrailles de la nation les ont poussés, portés, formulant le vœu constant de la nation ; les habitants de la région ont favorisé l’entreprise ; l’Allemagne s’est inclinée là devant. On peut espérer que l’entreprise n’est pas close. Nos rois travaillent les