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1795, ne votait encore que la réunion de la Belgique, ajournant celle du Rhin.

Le pays rhénan restait donc sous un régime provisoire. Deux directions générales placées l’une à Aix, l’autre à Coblence, l’administraient, mais en réalité le général en chef de l’armée du Rhin le gouvernait de haut. Et ce fut tant mieux pour les provinces du Rhin quand ce général fut Lazare Hoche. Car, tout à la fois généreux, habile et énergique, politique avisé autant que bon chef de guerre, il faisait, par la répression de tout abus et, en matière religieuse, la pratique d’une relative tolérance, aimer le régime français avant même que celui-ci prit définitivement corps, aidé dans sa tâche par une Commission intermédiaire instituée à Bonn et que présidait un administrateur consciencieux, l’ex-colonel Shee, le futur préfet de Mayence. Ainsi l’opinion rhénane était-elle tous les jours acheminée vers l’idée de la réunion.

« Je mériterais d’être mis en une forteresse si je ne m’opposais pas à ce que vous ayez Mayence et quoi que ce soit de la rive gauche du Rhin, » avait déclaré à Bonaparte Cobenzl, représentant de l’Empereur dans les conférences de Campo-Formio. C’était là une de ces grosses paroles des débuts de conférences qui ne mènent pas toujours loin un plénipotentiaire, surtout lorsque en face du vainqueur, il représenté le vaincu. Dans les articles secrets de Campo-Formio, l’Autriche avait dû, au contraire, s’engager « à employer ses bons offices, lors de la paix avec l’Empire » pour que la République Française obtînt tout au moins une partie de la rive gauche. Sans doute, avec une bonne foi toute germanique, le cabinet de Vienne espérait-il, — ne voyant en Campo-Formio qu’une trêve, — que « la paix avec l’Empire » ne se conclurait point et, de fait, elle allait échouer à Rastadt et l’Autriche, reposée, repartir en guerre.

Tels événements allaient encore reculer le décret de réunion. Cependant, la paix de Campo-Formio encourageant toutes les espérances, une véritable agitation se créait sur les bords du Rhin en faveur de la réunion : c’est alors que Görres adressait à ses compatriotes un appel pressant. « Si nous sommes unis à la France, nous sommes attachés à une Puissance de géant qui a battu l’Europe et qui peut nous apporter la sécurité. La nature a donné le Rhin comme frontière à la France. »