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Calais. Or, voici ce qu’on lit, le 27 avril, dans la Vossische Zeitung sous la signature de Salzmann :


Il est curieux d’observer que, pendant cette guerre, la tension nerveuse occasionne fréquemment dans le public allemand des sortes d’hallucinations. C’est ainsi que tout le monde à Berlin déclarait ouvertement : « Au Reichstag, on dit que nos pertes sont formidables. — Au Reichstag, on dit que l’offensive dans l’Ouest est enrayée. — Au Reichstag, on dit que l’ennemi est beaucoup plus fort que notre commandement ne l’avait supposé au début. — Au Reichstag, on dit que nous n’avons plus de chevaux et que par conséquent l’offensive ne peut continuer. — Au Reichstag, on dit que le terrain en avant d’Ypres est un immense lac, et qu’il est par suite infranchissable. — Au Reichstag, on dit que tout le terrain entre Amiens et Paris est miné et sautera si nos troupes s’y avancent. »

Voilà où nous en étions. Nous commencions, cela n’est pas douteux, à déraisonner. On se demande pourquoi, et l’on se prend la tête dans les mains sans comprendre. Le ministre de la Guerre a dit au Reichstag : « Il est évident que dans de telles batailles des pertes sont inévitables. Sur un certain point du champ de bataille, elles ont même été très lourdes, certains régiments ont perdu les deux tiers de leurs chefs. » Mais un député que nous connaissons parfaitement a raconté aujourd’hui à ses électeurs : « Le ministre de la Guerre a déclaré publiquement que nos pertes sont si lourdes que l’offensive ne peut être poursuivie… » Les seuls arguments valables, ce sont les faits. La prise du Kemmel n’est-elle pas un fait ? Notre offensive est-elle enrayée ?… Il me semble que nous n’avons aucune raison de nous décourager et d’envisager l’avenir avec pessimisme. Il est temps qu’un peu de confiance rentre dans nos cœurs. Des hommes pusillanimes sont incapables de « tenir. » Que ceux qui ne sont pas capables de « serrer les dents » essaient au moins de tenir leur langue et de ne pas affaiblir les autres par leurs propos décourages. Ce n’est pas lu moment de gémir. Quiconque entre dans la lice avec un simple battement de cœur, a déjà perdu la partie. Les soldats qui se sont emparés de la formidable position du Kemmel, ne sont-ils pas capables d’accomplir des exploits plus grands encore ?…

« Qu’on ne se laisse pas impressionner par des histoires de vieilles femmes !… Quiconque est encore capable d’élever sa pensée au-dessus des contingences et de songer à l’avenir de sa patrie, doit se dire : tous les événements qui se produisent à l’heure actuelle ne sont que les maillons d’une grande chaîne ; Hindenburg et Ludendorff sont en train de forger chaque anneau qui va s’ajouter à cette chaîne jusqu’au jour où peu à peu elle sera devenue impossible à briser. Alors la grande œuvre sera terminée. Sans doute, ce travail