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— Taisez-vous !

— On ne pose pas sa candidature sur une tombe !

— Assez !

— Allez dire ça à Boulanger !

— Vive la République !

Une dame à mes côtés, très calme jusque-là, et bien mise, répète :

— A l’eau ! à l’eau ! Qu’on le jette à l’eau !

Louis Noir et son fils veulent chasser ce Susini. Dalou, qui lui parle, reçoit un coup de canne dans son chapeau. On pousse Susini qui s’enfonce dans la foule. Je vois Ranc le prendre à la cravate, des sergents de ville l’entourer. On jette des cris de « Vive la Commune ! »

Dans l’allée paisible, sous les arbres, on se bouscule. Je suis assez navré en faisant cette réflexion : « Et dire qu’il n’y a là que des républicains ! »

Et pendant que je traverse des allées de tombes, j’entends des ouvriers qui disent :

Ils veulent bien la liberté pour eux. Mais pas pour les autres !

Ils, ce sont ceux qui ont fait taire Susini.

Revenu avec Vacquerie et le jeune Lefèvre. Au théâtre Britannicus. Il y a dans les rôles de Junie et de Burrhus, sur la cour et les courtisans, des vers qui ne devaient plaire que très médiocrement à Louis XIV.


16 mai 1892.

Hier article de Sarcey sur Sarah Bernhardt. Il déplore qu’elle ne joue pas Athalie et Hermione.

Elle lui a fait croire en déjeunant avec lui chez Campbell Clarke qu’elle grillait du désir de jouer Hermione et Athalie. Or, elle a envie de créer la Reine Juana.

Elle est venue me voir, Sarah, l’autre jour. Charmante, cheveux d’or, voix d’or, teint rose, joli sourire, robe attachée par une ceinture Théodora, boa de plumes noires autour du cou.

— Eh bien ? me dit-elle, après les compliments d’usage.

— Eh bien ! ça ne va pas tout seul. Le Comité ne veut pas. I

— M. Got pourtant consentait à m’engager à tant par représentation, mais c’est moi qui ne veux pas.

— Je conçois cela. Je serais à la place de l’administrateur