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terrible dont M. de Castelnau fut atteint au combat d’Allerheim, la fermeté sublime avec laquelle le commandant du régiment Mazarin supportait les plus vives et cruelles douleurs. Au reste, dans tout le cours de ces guerres qui ensanglantèrent l’Europe jusqu’aux traités de Westphalie, M. de Castelnau, de tous les grands capitaines qui s’illustrèrent alors, fut, avec le célèbre maréchal Rantzau, celui qui compta le plus de blessures.

Une première fois, en 1639, au siège de Hesdin, il reçut une mousquetade qui lui cassa l’os de la jambe. En 1644, devant Fribourg, il eut le bras percé, toujours d’une balle de mousquet. Aux sièges de Mardick, en 1646, d’Arras, en 1654, il fut atteint en plusieurs endroits du corps ; mais la blessure qui lui causa le plus de dommage fut celle vraiment horrible qu’il reçut à Nordlingen, en 1645, et dont son panégyriste, le P. Cherpignon, a dit que, dans l’excès de fureur auquel était parvenu le combat, elle « rendit la victoire douteuse en rendant sa vie incertaine. » Cependant, cette blessure même, si sanglante qu’elle fut et bien qu’elle mît sa vie en danger, n’était pas, à beaucoup près, si grave que celle dont il fut atteint, treize années plus tard, à l’attaque du fort Léon, devant les Dunes. La balle de mousquet entra cette fois fort avant dans le côté gauche, au défaut des côtes ; mais, au lieu de ressortir, s’en alla loger dans l’échine. L’empêchement dans lequel on se trouva de l’extraire devait amener une issue fatale ; mais, dans l’instant même où le coup vint à le frapper, M. de Castelnau se raidit avec tant de vigueur qu’il trouva encore, tout sanglant qu’il fût, assez de force pour se tenir à cheval. En cette extrémité, il gagna Mardick, toujours au galop ; sa contenance était si ferme que les officiers de cette place qui l’aperçurent d’abord, à ne considérer que son visage, crurent qu’il était en bonne santé et ne se présentait à eux que pour se réjouir d’un succès qui ajoutait encore à ceux de la journée.

Une telle sublimité dans le courage, une fermeté si exceptionnelle dans la douleur, ajoutaient, chez M. de Castelnau, dans une circonstance aussi pénible, à l’élévation et à la beauté de l’âme, à la grandeur d’un caractère déjà trempé dans l’épreuve. Le Roi, des premiers, dès qu’il connut le détail de cet événement si honorable pour son lieutenant-général, fut jeté dans un état de consternation indicible. Malade lui-même, il ne put se rendre aussitôt au chevet du blessé ; mais, il y