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sur-le-champ. » « L’action de Castelnau, ajoute le même auteur de la Relation, fut remarquable dans la manière dont il disposa le combat de son côté. » Le fait est qu’il n’y avait que M. de Turenne et lui qui fussent aussi habiles à se saisir des circonstances pour les tourner à leur avantage.

Don Juan ne tarda pas d’éprouver tout le poids de cette manœuvre. Tandis que Castelnau le faisait attaquer sur Lestrang par les escadrons lorrains avec Ligniville, lui-même prenait le commandement des habits rouges qui sont les Anglais, les portait à la hauteur de la dune, tandis que quelques mousquetaires bien choisis appelés enfants perdus, qu’il disposa en rabatteurs, manœuvraient dans les intervalles. Les Anglais, pour leur part, heureux d’être menés si dextrement, par un chef si adroit et vaillant, ne laissaient pas de l’acclamer, jetant leurs chapeaux en l’air tandis qu’ils chargeaient, ainsi qu’ils ont accoutumé de faire à leurs princes, et, nous dit Le Laboureur, criant : « Bataille et Castelnau ! Bataille et Castelnau ! » avec une merveilleuse disposition.

L’un des principes de Puységur, qui en posa d’admirables en ce qui regarde la conduite de l’infanterie dans le combat, est que la décharge des fusils « fait tomber beaucoup de monde quand elle est faite à propos, de près et par des gens fermes. » C’est bien ce qui se produisit en effet au moment où les enfants perdus et les habits rouges, se trouvant à portée des Espagnols et des Croates, ouvrirent sur ceux-ci un feu roulant de mousqueterie si meurtrier que toutes les lignes refluèrent dans les sables, les chevaux empêtrés de leurs cavaliers, les reîtres de don Juan et Caracena décimés, fauchés et tellement malmenés et déconfits qu’il n’était plus possible, dès lors, à ces deux généraux, de se porter au secours de Condé, lui-même aux prises avec Turenne.

La nouvelle de ce succès de Castelnau se répandit si rapidement d’une extrémité à l’autre des Dunes que ce fut bientôt comme un coup de plus porté à Monsieur le Prince. « Il passa à ce moment devant moi, écrit Bussy dans ses Mémoires, un homme à cheval assez bien fait, venant de la gauche, qui dit tout haut que Castelnau avait battu les ennemis à son aile. » Mais, ce que cet homme ne dit pas à Bussy, sans doute parce qu’il ignorait encore cette phase du combat, c’est que les cavaliers des escadrons de l’Altesse et du Grand Maître n’en étaient