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on procéda à l’inspection de nos vêtements, de notre linge, de nos chaussures. Jusque sous les rubans de nos chapeaux les Allemandes s’ingénièrent à découvrir s’il ne se cachait pas quelque papier séditieux… On nous fit remettre tout le numéraire que nous possédions. L’or fut pris, les billets de banque et l’argent comptés ; en échange de quoi, on nous délivra des « coupures » qui n’avaient cours que dans le camp. Peu de jours plus tard on nous appela à nouveau. Cette fois, ce fut à un bureau devant lequel, par un temps glacial, une tempête de neige, nous dûmes longtemps faire queue. Chacune de nous reçut un numéro matricule gravé sur une plaque avec ordre de porter toujours celle-ci, ostensiblement sur la poitrine, et menace de « cachote, » ainsi que prononçaient nos geôliers, si on la perdait. »

Ces Françaises qui appartiennent aux familles les plus honorables., les Allemands affectent de les traiter constamment comme des criminelles. Elles doivent obéir, sur-le-champ et de la façon la plus absolue à tous les ordres, quels qu’ils soient. La discipline est impitoyable : défense de dire un mot aux sentinelles ou aux prisonniers français qui, à heures régulières, apportent la soupe ; ordre de rentrer dans les baraques dès le crépuscule en hiver, dès huit heures, en été. Inutile d’espérer respirer un peu d’air pur, quand la fraîcheur du soir est douce. La moindre jouissance est interdite aux otages ! Il faut qu’elles souffrent. Il est bon, pour l’Allemagne, qu’elles souffrent !

Les punitions de « cachot, » les amendes pleuvent à tout propos : cachot pour n’avoir pas obéi assez vile à un commandement, amende s’il a été égaré quelque objet du précieux matériel : deux mark pour la cuiller en fer ; quinze mark pour la couverture ; « trois mark, à notre arrivée, parcs que nos prédécesseurs avaient enlevé des planches aux water-closets pour se chauffer… »

« A tout moment, nous devions subir des revues… Une fois, on nous annonce que nous allons avoir une « revue de mains. » Nous étions fort intriguées. On nous fait aligner. Le feldwebel passe. C’était un Hanovrien, un colosse fort brutal et très grossier dont on assurait que, dans le civil, il était charretier !… A celles de nous qui avaient des gants, il crie : « Tirez-les, tirez-les….. » Il nous fait étendre les mains… » Toutes celles