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Opposant les deux géants de l’espace et de la durée, le poète les dépeint ainsi :

L’un soutenant le temps, l’autre portant les nombres,
Ils échangeaient entre eux de grands sarcasmes sombres.

A qui s’adressait cet anathème ?

Ah ! vieux crétin sonore et vide, âne savant,
Mulet qui sur ton des portes l’outre du vent !

je ne saurais le dire, mais la sévérité de ces deux vers était tout aussitôt rachetée sur un autre sujet par la grâce de ceux-ci :

<poem>
Qu’elle soit blanche et grasse ainsi qu’une Flamande,
Ou comme une Chinoise ait les yeux en amande,
Qu’importe

Une promenade en voiture inspirait au poète une jolie image sur

Les interruptions des arbres aux passages
Des eaux, miroirs profonds des vagues paysages.

Avant Chantecler, qui a rendu un si poétique hommage

À ces fleurs dont le crime est de pousser aux champs,

Victor Hugo ne savait pas mauvais gré aux fleurs champêtres d’être « hautaines. » Il constatait que

Les halliers sont fiers parce qu’ils sont sauvages,

et il ajoutait avec une verve charmante :

La ronce accepte-t-elle une place à la ville,
Et voit-on l’aubépine et le houx dégradés
Jusqu’à verdir et croître aux fentes des pavés ?

L’orage lui suggérait enfin ce quatrain puissant :

Quel monstre que la foudre ! et qu’est-ce donc, abîme,
Que ce vent qui remue avec un bruit sublime
Tout l’effrayant plafond du ciel, et qui produit
L’énorme craquement des poutres de la nuit ?

Je m’arrête de glaner, par peur de m’attacher à des broutilles. Ne vaut-il pas mieux reproduire un dessin, Les Crieurs,