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L’ANNÉE DOULOUREUSE

1916


Donc, mon pays est en danger. Mon père est mort.
Ma mère est morte.
J’ai murmuré : « C’est trop ! » car le cœur n’est pas fort.
— Mais l’âme est forte.

J’ai compris. J’ai cessé de demander pourquoi
Ceux que je pleure
Avaient, pour s’enfoncer dans le sol devant moi,
Choisi cette heure ;

Car plus farouchement, comme le pin léger
De ces collines,
Je tiens à cette terre où je viens de plonger
Mes deux racines.


L’ÉTOILE ENTRE LES PEUPLIERS

1917


Un catéchisme en moi se dialogue à voix basse.
J’écoute.

Qu’est-ce que la France ? — C’est la Grâce.
Dans quel sens prenez-nous ce mot ? — Je prends ce mot
Dans son sens le plus doux comme dans le plus haut.
La Grâce, c’est le charme ; et la Grâce est encore
Un don du Ciel par quoi l’âme se corrobore.
Le monde, n’ayant pas la France, aurait-il eu
La possibilité de faire son salut ?
— Non ; puisqu’elle est la Grâce, il ne peut rien sans elle.
Qu’entend-on lorsqu’on dit qu’elle est spirituelle ?
— Qu’elle est le Souffle, au sens où l’Apôtre le prit.
Elle est tous les esprits, d’ailleurs, étant l’Esprit :
Le plus farouche, et le plus fin. C’est le mystère
De mon pays que seul son peuple, sur la terre,
Sache à la fois sourire et s’enthousiasmer.
Comment faut-il servir la France ? — Il faut l’aimer.