Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/889

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de pierre pyramidale qui couronne chaque porche et donne à l’ensemble un aspect si riche et si aérien, — ces gables sont à peu près détruits dans leurs parties les plus précieuses. Les personnages de la Crucifixion sont tous gravement mutilés, ainsi que ceux du contrefort du portail Nord, avec les cariatides qui, de part et d’autre, soutenaient les premières gargouilles. Un magnifique Fleuve du Paradis fut décapité à la droite de ce gable. Le grand Goliath qui se tenait debout, à droite de la rose principale de l’Occident, a totalement disparu, ainsi qu’un fier David placé à côté ; non par le feu cette fois, mais par l’explosion des obus percutants qui se brisaient sur le gros œuvre de la basilique sans pouvoir l’entamer, tant sa puissante construction l’eût mise à l’abri de l’injure des siècles. L’éminent architecte américain, M. Whitney Warren, qui a prêché la croisade du Nouveau Monde et fut l’un des premiers témoins des destructions du bombardement, adressait le 30 octobre 1914 à l’Institut, dont il est membre, un rapport dont il faut, surtout, relever ceci : « S’il reste quelque chose du monument, cela est dû à la construction solide de ce que j’appellerai la carcasse de la cathédrale, et non, j’en suis fermement convaincu, à un désir des Allemands d’épargner le monument. Les murs et les voûtes sont d’une solidité qui défie même les engins modernes de destruction, car le 24, lorsque le bombardement fut repris, trois bombes tombèrent sur la cathédrale, mais les voûtes résistèrent merveilleusement et ne furent même pas perforées. »

Quant aux vitraux, qui racontaient dans les Roses et dans les fenestrages de la basilique toute la Légende dorée et le Nouveau Testament, leurs gemmes, dont le secret est perdu, ont été volatilisées, ou émiettéés par fragments inexpressifs sur le pavé ou sur le parvis, où elles ont fait une poussière aussi grise que la cendre mortuaire des plus chatoyants papillons.

A Reims même, » d’autres dommages irréparables ont été commis à l’Archevêché, à Saint-Remi, à l’Hôtel de Ville, à la Place Royale et la ville entière n’est qu’un immense amas de ruines, qui cependant peuvent être reconstituées avec du temps, de la méthode, le respect des grandes œuvres et avec beaucoup d’argent.

Au contraire, les pertes de la statuaire de la basilique, de la totalité de ses vitraux, ainsi que celle des tapisseries de la