Page:Revue des Deux Mondes - 1918 - tome 48.djvu/891

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vers 1250, et pas avant, que le dôme de Bamberg fut enrichi de ses sculptures.

Il en est de même, et sans contredit, pour la priorité d’invention du style ogival qui apparut dans notre Ile-de-France, vers 1110, et réalisa, dès 1114, sa première grande œuvre, dans la cathédrale de Laon, reconstruite après l’incendie de 1112. Chartres, dès 1120, Noyon en 1131, Saint-Denis en 1133, Notre-Dame de Paris, dès 1163, proclament cette priorité française à laquelle les Allemands peuvent opposer la première apparition du style ogival à Trêves, mais en 1227 seulement, à Sainte-Elisabeth de Marburg en 1235, à Francfort en 1238, et à Cologne en 1248, sous la direction de maîtres français, comme à Wimpfen, en 1260, où c’est un artiste « de Paris en pays de France » qui est appelé par le doyen de la Collégiale. C’est aussi un Français, Guillaume de Sens, qui l’introduisit en Angleterre, dès 1174, en gagnant le concours pour l’exécution de la cathédrale de Canterbury. Villard de Honnecourt qui travaillait à Saint-Quentin, en 1240, va, en Hongrie, construire la cathédrale de Kaschau, en 1244, et cet architecte de vingt-quatre ans rivalisait là-bas avec Martin Ravège, autre Français, qui achevait la cathédrale de Kolocksa. Partout, ce sont des artistes français et le plus souvent parisiens, qui ont l’honneur d’élever les grandes cathédrales de style français (opus francigenum) qui détrônaient les obscures églises romanes. De la hardiesse, de l’élégance et de la clarté, dans un équilibre contre-balancé par ce trait génial de l’arc-boutant, qui est un décor et un lien de force, voilà ce que nos maîtres d’œuvres apportaient, de France, aux pays du Nord et jusqu’en Syrie, avec une statuaire et des vitraux qu’on ne saurait plus refaire. N’est-ce pas, là, l’expression même des qualités françaises, avec ce sens aigu de l’observation, de la’ mesure et des proportions qui se retrouve dans toutes les œuvres de l’Ecole nationale, malgré l’influence des Italiens au milieu du XVIe siècle ? L’éloquence décisive de ces dates suggérerait l’ouverture d’un plus haut débat, qui n’a jamais été soulevé, et qui ferait saisir cette évidence que, si la Renaissance italienne débute à Pise, en 1260, dans le Baptistère, avec cette semi-copie d’un sarcophage antique du Campo Santo voisin, par Nicolo Pisano qui décorait, alors, sa chaire, il y avait eu dans notre France, et depuis plus de cent cinquante ans, non plus une Renaissance, — cette