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régulièrement abdiqué le trône de Prusse, s’est par-là même démis de la fonction impériale. Mais plus de fonction, plus d’organe : c’était la fonction qui avait créé et qui faisait vivre l’organe; plus d’Empereur, plus d’Empire. C’est-à-dire, pleinement, qu’endroit du moins, il n’y a plus d’Allemagne, l’Allemagne n’ayant son lieu d’unité juridique que dans l’Empire par l’Empereur. Au moment d’entrer en négociations, nous n’avons plus devant nous l’Allemagne de 1871, mais les Allemagnes d’autrefois; pas même la Confédération de 1867; pas même la Confédération de 1815, puisque la Confédération germanique et la Confédération de l’Allemagne du Nord avaient trouvé leur aboutissement et leur fin dans l’Empire qui leur avait donné leur expression la plus haute. Quand le palais s’écroule, il en reste les morceaux ; et l’on peut rebâtir sur l’emplacement, mais il faut rebâtir. L’Empire s’est écroulé, les morceaux sont à terre : ce sont les vingt-cinq États, naguère royaumes, principautés, grands-duchés, duchés et villes libres qui le composaient ; on voit, ici et là, des baraquements bavarois, saxons, wurtembergeois, badois, hessois, et d’autres; mais la maison allemande n’est pas rebâtie. La forme a emporté le fond; et, juridiquement, on ne peut pas ne pas pousser la conclusion jusqu’au bout : plus d’Empire allemand, plus d’Allemagne. Des Allemagnes.

Le « gouvernement d’Empire » en a l’impression si vive que c’est sa raison capitale, malgré l’opposition des extrêmes et les menaces de Liebknecht, qui rêve d’introduire, d’élargir, et d’affermir le régime des Soviets à la russe, c’est sûrement sa grande raison de hâter la convocation d’une Constituante et de fixer dès maintenant la date des élections. Il ne faut pas que les Allemagnes aient le temps de s’apercevoir qu’il n’y a plus d’Allemagne; il faut ramasser tout de suite et en quelque sorte recercler son unité qui s’est défaite.

Là-dessus aussi ne nous méprenons pas. Tout le monde en Allemagne, tous les partis allemands, tous les États allemands, ont la grosse préoccupation, la préoccupation obsédante du maintien de l’unité. « L’assemblée nationale, vient de dire Ebert dans une réunion publique organisée à Berlin par le parti socialiste, reconstituera le bloc allemand, rendra au pays son unité, et pas une puissance au monde ne sera capable de briser l’unité politique du peuple allemand. » De Munich, Kurt Eisner en personne n’y contredit pas : il corrobore. Il reconnaît la nécessité de la convocation immédiate d’une Constituante et promet de « défendre l’autonomie de la Bavière avec la même énergie qu’il mettra à combattre toutes les idées tendant à la séparation de l’Empire. » La simple autonomie : nous