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titre de « Président de la République allemande » a été offert à Ebert et qu’il l’a décliné ; il a du moins ajourné son acceptation, ne voulant pas le tenir d’une sorte de pronunciamiento, et préférant une procédure plus correcte, revêtue, comme il convient, d’une apparence de légalité. Ebert, par conséquent, n’est pas « Président de la République, » s’il y a enfin une République populaire, ou sociale, ou socialiste allemande, et si l’on est sorti de la formule élastique, à tout faire, à tout permettre, à tout supporter et à tout couvrir : « l’État allemand. » Mais ce qu’il est encore bien moins, c’est ce qu’il aime le mieux se dire : « chancelier de l’Empire allemand. » Pour le motif péremptoire ci-devant allégué, qu’il n’y a plus d’empire allemand, il n’y a point, il ne peut y avoir de chancelier d’empire. Quand le prince Max de Bade a fait mine de lui en transmettre l’office, il ne lui a transmis qu’un titre vain et vide, un leurre.

Seulement, ne nous y trompons pas : si Ebert s’attache à ce titre, s’il s’y accroche, s’il se l’accroche, ce n’est pas vanité mesquine d’artisan, de petit bourgeois parvenu. Son dessein, faisons-lui l’honneur de le penser, est vraisemblablement plus large et plus profond. il entend par là affirmer la continuité de « l’État allemand, » marquer que la vie de la nation ne s’est pas interrompue, qu’il n’y a ni mort ni syncope. En résumé, sa position se consolide sans se définir : tant que tout lien n’est pas brisé entre le grand État-major, l’ancien gouvernement impérial et le nouveau « gouvernement d’Empire, » et, d’autre part, tant que les minoritaires font le pont entre ce nouveau gouvernement et la révolution, elle reste confuse, équivoque, ambiguë. Par sa victoire sur l’émeute, qui n’est ni incontestée ni peut-être garantie d’un retour offensif, par son succès dans les scrutins du Congrès des conseils des ouvriers et soldats, Ebert n’est pas tiré de toutes ses difficultés. Il manœuvre, il jette du lest à gauche et se sépare du docteur Soif ; pour la droite, il coupe sa queue et entre en lutte ouverte avec Liebknecht. Il se dirige plus rapidement qu’on ne le croyait, malgré tous les obstacles et toutes les résistances, vers la convocation d’une Assemblée nationale, d’où pourra légitimement sortir une République allemande dont il pourrait -devenir légalement le Président.

Il laisse dire ceux qui, obstinés dans la vieille doctrine, ne rêvent que de perpétuer, comme transition obligatoire d’une société à l’autre, « la « dictature du prolétariat, » et fait dire que les élections pour cette Constituante, qui ne devaient avoir lieu qu’en février, et que les enragés voudraient renvoyer ou à plus tard, ou à jamais, pourraient