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certaine chaleur oratoire qui n’est pas sans agrément. L’auteur a le désir, louable et presque toujours heureux, d’être impartial. « Ici, point de thèse, écrit-il, ni de conclusions arrêtées d’avance ; mais un récit exact des faits, et un exposé aussi consciencieux que possible des doctrines. » Peut-être lui manque-t-il une certaine curiosité d’érudition et de psychologie que nous exigeons d’avance, pour ainsi dire, en un admirable sujet auquel a louché Sainte-Beuve. Et l’on pourrait aussi relever, surtout dans son premier volume, des inexactitudes, des inadvertances ou des méprises. Mais ils sont assez rares, avouons-le, les ouvrages de très longue haleine dont on ne puisse en dire autant.

Il faut rendre cette justice au dernier et au plus considérable des historiens de Lamennais, à M. Christian Maréchal, qu’il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour échapper aux reproches que l’on était parfois en droit d’adresser à ses prédécesseurs. Il a eu un sentiment très vif de l’intérêt et de la complexité de son sujet, des difficultés qu’il comporte, de la diversité des qualités ou des dons qu’il exige. Il a compris que pour le traiter idéalement, si l’on peut ainsi dire, il fallait être tout ensemble érudit et critique, psychologue, philosophe, — et écrivain ; et il a été, il s’est efforcé d’être du moins tout cela à la fois. Tout d’abord, avant d’aborder son sujet en face, il a, par une série de travaux d’approche, essayé de l’investir ; et, sans parler de diverses publications de textes ou de correspondances, il nous a donné une suite de curieuses et savantes études sur les rapports de Lamennais avec Sainte-Beuve, Victor Hugo et Lamartine[1]. Il s’est laissé, chemin faisant, séduire par la grande figure du poète des Méditations, et il a réédité le Voyage en Orient et Jocelyn[2], d’après les manuscrits originaux. Entre temps, il avait retrouvé et reconstitué, d’après les cahiers de notes des disciples de Lamennais à Juilly, la première version de l’Esquisse d’une philosophie, version qui, datant de 1830, s’intitulait alors

  1. Christian Maréchal, la Clef de Volupté (Lamennais et Sainte-Beuve), 1 vol. in-8o. Paris, Savaéte, 1905 ; — Lamennais et Victor Hugo, 1 vol. in-8o, Savaéte, 1906 ; — Lamennais et Lamartine, 1 vol. in-16, Bloud, 1907.
  2. Christian Maréchal, le Véritable voyage en Orient de Lamartine, d’après les manuscrits originaux de la bibliothèque nationale (documents inédits). 1 vol. in-8o, Bloud, 1908 ; — Josselin inédit, de Lamartine, d’après les manuscrits originaux, 1 vol. in-8o, Bloud, 1909.