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Vendéens et, comme les Vendéens étaient les défenseurs de la fui. les ennemis de la foi, on les nommait, ils se nommaient les patriotes. M. Pierre de La Gorce ne leur chicane pas ce nom. Même, il approuve leur victoire, en considération de l’unité française et en considération de la patrie. Le catholicisme vaincu se retire, « comme se retire la mer, en laissant sur le rivage des ruisselets et des flaques d’eau. » Premièrement, il fallait que la continuité française fût assurée. Le catholicisme pouvait se retirer : car il reviendrait, comme la mer.

Le catholicisme impérissable : cette croyance domine l’ouvrage de M. Pierre de La Gorce. Et les événements l’ont vérifiée. La chasse aux prêtres, moines et personnes religieuses a été faite par les agents de la libre-pensée avec un soin minutieux et avec une impitoyable sévérité. Les battues ont donné tout le gibier possible. On a cherché, fureté partout. Et l’on a tué, sans ménagement. On a tué des centaines et des milliers de catholiques : on n’a pas tué le catholicisme. Enfin, pour employer une formule de science et qui se tient aux faits, tout s’est passé comme si le catholicisme était impérissable. Cette remarque donne à l’Histoire religieuse de la Révolution française, lugubre par les crimes et la douleur qu’elle raconte, une allégresse religieuse.

« Comme se retire la mer, en laissant sur le rivage des ruisselets et des flaques d’eau... » M. Pierre de La Gorce, qui a peint magnifiquement ce large reflux, s’est approché aussi des ruisselets et flaques d’eau laissés sur le rivage. Il les a dénombrés et dessinés avec amour. Ses croquis valent ses tableaux. Mais ne séparons pas les uns des autres. Son Histoire n’est pas de celles qui vous esquissent à grands traits et des époques et des doctrines. Tant mieux ! La séparation des érudits et des philosophes, en histoire, est bien funeste : les érudits vous présentent de la réalité morte ; les philosophes, du néant. Ce que l’on appelle, en histoire, les grandes lignes, ce n’est le plus souvent rien du tout : ce n’est que la rapidité d’une éloquence pressée d’aller d’un point à un autre par le chemin le plus court. Dans la réalité, les chemins ne sont pas courts : la ligne droite est la rêverie des géomètres. Il n’y a pas de lignes droites, en histoire. Et, en histoire, il n’y a que la quantité des petits faits. Qui les néglige devrait s’établir ou philosophe ou orateur, ou s’en aller jouer à la bloquette. Seulement, il ne faut pas se perdre dans la quantité des petits faits et dans leur confusion. Voir et le détail et l’ensemble, composer l’ensemble par le détail, c’est le talent de l’historien.