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tenaille, selon la doctrine de Schlieffen, elles sont en un tel état qu’elles ne peuvent ni emporter le passage par la trouée de Charmes, ni emporter le passage par la trouée de Belfort, ni forcer le Grand-Couronné de Nancy, ni même réussir la manœuvre subsidiaire sur Saint-Mihiel : or, chacune de ces combinaisons avait été, à son heure, ardemment voulue par le Haut Commandement allemand. Si ces sanglantes opérations, soigneusement combinées par lui, échouèrent L’une après l’autre, si ses armées furent, en moins de trois semaines, ramenées et fixées pour toujours sur la frontière alsacienne et lorraine, si notre front des Vosges fut inébranlablement établi dès le début de la guerre et même avec des vues extrêmement importantes sur la vallée d’Alsace, une part de ces résultats inespérés[1] revient, certainement, à la manœuvre offensive sur Morhange-Sarrebourg. N’aurait-elle eu d’autre avantage que de mettre Nancy à l’abri d’une attaque brusquée, cela suffit. Nancy, le Grand-Couronné et la Trouée de Charmes : les troupes qui se comportèrent si vaillamment dans ces beaux combats du début, ne furent pas « sacrifiées » pour rien !

Au centre, la manœuvre offensive Ardennes-Luxembourg mit à mal, beaucoup plus que nous l’avons su et cru tout d’abord, les armées du kronprinz et du duc de Wurtemberg : il est avéré que le kronprinz fut battu à Etain et qu’une partie de son armée s’enfuit jusqu’à Metz : la grande manœuvre allemande fut, de ce fait, retardée et alourdie de telle sorte qu’elle manqua Verdun. Or, la suite de la guerre a prouvé à quel point le sort de la France dépendait de celui de Verdun. Il est permis de conclure que l’offensive qui sauva cette place dès les premières heures de la guerre, c’est-à-dire au moment le plus critique en raison de la surprise, répondit à une nécessité stratégique de premier ordre. L’armée, en se portant au-devant de ta forteresse, remplit son véritable rôle : car les forteresses ne se gardent bien que par les troupes mobiles qui les entourent.

À la bataille des Ardennes, plusieurs corps allemands furent mis hors de combat à tel point que tel d’entre eux, comme le Ve corps, ne reparaitra plus avant plusieurs semaines

  1. Rappelez-vous que la doctrine de la défensive-offensive, celle du général Langlois, protestait énergiquement contre ceux qui ne se résignaient pas à l’abandon de Nancy.