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la cavalerie de von der Marwitz atteignait Roye le 30. Mais ce qui est plus grave, à cette même date, l’armée britannique avait abandonné précisément le massif Lassigny-Roye et même le massif de Saint-Gobain. Le mouvement tournant de von Kluck est une menace instante. Il en est de même sur l’autre aile : si Dubail et Castelnau avaient arrêté l’ennemi à la Trouée de Charmes le 25, celui-ci reprenait, les 28 et 29, sa marche par la Mortagne, marche ayant pour objectif soit la trouée de Neufchâteau, soit la trouée de Belfort.

Quelle eût été la situation de l’armée française au cas où elle fût restée accrochée en avant de la Fère et de Laon, tandis que von Kluck eût débouché sur son flanc gauche par Compiègne-Soissons et que von Heeringen eût débouché sur son flanc droit par Mirecourt et Neufchâteau ? La manœuvre de la « tenaille » réussissait en plein. La grande armée de Joffre eût été étranglée ou étouffée, à moins que, pour échapper, elle ne reculât, en désordre, bien au delà de Paris.


L’état des « liaisons » est plus incertain encore : à l’heure où l’armée Lanrezac aborde, dans sa retraite, la région de l’Oise qui lui permettrait de se caler sur le massif de la Fère-Laon, c’est-à-dire vers le 28-29 août, l’armée Maunoury qui doit former l’extrême-gauche de la grande offensive arrive à peine sur le terrain. Cette armée n’est pas constituée. Il faudra plusieurs jours au 4e corps, qui lui est assigné comme renfort, pour traverser l’Argonne, s’embarquer et venir la rejoindre sous Paris.

L’articulation principale de toute la manœuvre était confiée à l’armée britannique. Or, l’armée britannique, pour des raisons que nous avons indiquées, est en pleine retraite, résolue à ne reprendre sa place sur le front que quand elle aura reconstitué ses éléments et quand elle sera assurée d’échapper à l’enveloppement de l’ennemi.

Les autres armées ne sont pas non plus dans la position prévue : l’armée Langle de Cary défend la Meuse et l’armée Huffey-Sarrail est en avant de Verdun.

L’offensive projetée ne serait réalisable que si tout le monde était bien en ligne ; c’est tout le contraire ; le front fait un immense zigzag ; la retraite extrêmement rapide de l’armée britannique a créé une poche qui laisse à découvert le flanc