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et c’est ce qui lui permet de commencer à dégarnir le front de Dubail, en appelant le 21e corps, dont il a besoin sur le front occidental. Mais le péril n’est pas entièrement conjuré. C’est le 6 septembre seulement que von Heeringen recevra l’ordre de quitter les Vosges pour se transporter dans la région de Busigny-Saint-Quentin. Jusqu’au 6, la lutte reste des plus vives et l’artillerie, violente, continue à sévir, selon la méthode allemande, qui couvre la retraite ou le décrochage à coups de canon.

A partir du 6 septembre, un autre danger va se dessiner dans l’Est. Une division de réserve, accompagnée de formation de landwehr, a débouché sur Saizerais et se dirige sur Saint-Mihiel. Une manœuvre des plus dangereuses, tendant à déraciner la place de Verdun, s’amorce donc aussi de ce côté. Le Grand Quartier Général avertit le général de Castelnau d’avoir à se tenir en liaison avec la place de Toul, et il jette lui-même le 15e corps sur Gondrecourt pour parer à ce coup fourré. C’est une nouvelle initiative prise par l’ennemi et dont Joffre est bien obligé de tenir compte.

Joffre est en présence d’une action non moins redoutable de l’armée du Kronprinz dans la région de l’Argonne. Nous venons de citer l’ordre à la Ve armée allemande prescrivant l’offensive pour le 6 septembre. Dès le 5 au soir, l’armée devait se préparer à l’attaque sur Revigny, et le lendemain (6 septembre) de bonne heure, elle attaquait, en effet, dans la région de Vaubécourt. En même temps, les forts de Verdun étaient vigoureusement canonnés par le Nord et par l’Est. La place pourrait-elle résister longtemps et, si elle succombait, quel serait le sort de notre droite ?

Au centre, l’armée de Langle de Cary avait devant elle l’armée du duc Albert de Wurtemberg. Celle-ci jouait aussi son rôle dans le drame : ayant été jetée à travers la plaine de Champagne, et ayant atteint d’un bond la région de Vitry-le-François, elle avait pour mission de briser le centre de l’armée de Joffre qui, sur ce point, présentait une fissure défendue seulement par la 9e division de cavalerie, et de foncer, alors, dans la direction d’Arcis-sur-Aube pour seconder le mouvement d’enveloppement que sa voisine de l’Ouest, l’armée von Hausen, devait tenter sur les armées Foch et Franchet d’Esperey. Un simple coup d’œil sur la carte suffit pour indiquer les conséquences d’une telle manœuvre, si elle eût réussi ; elle se combinait,