Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 50.djvu/319

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ainsi, de l’hypothèse de la brèche résulte toute la manœuvre de von Kluck. La fougue, l’orgueil, l’envie épaississent le bandeau sur ses yeux et, malgré les avis qui lui parviennent, il ne change rien à ses projets ; il continue à fond sa marche sur la Marne.

Dès le 4 au soir, il a donné ses ordres pour la bataille. L’étude des faits et des documents saisis sur l’ennemi permet de les reconstituer ainsi : L’armée se portera en avant le 5, attaquant l’ennemi partout où on le rencontrera : le IXe corps sur Esternay, le IIIe sur Sancy, le IVe sur Maisons, le IIe sur Coulommiers, le IVe de réserve à l’Est de Meaux. Le 2e bataillon de chasseurs avec la 4e division de cavalerie couvrira le flanc droit. Le IIe corps de cavalerie avec les 2e et 9e divisions de cavalerie sur Provins.

Trois corps sur le Grand Morin et le IIIe à huit kilomètres au Sud de cette rivière ! On livre à l’armée Franco-anglaise, une bataille d’angle : mais avec un côté de l’angle extrêmement fort, celui qui pousse en avant et un côté de l’angle extrêmement faible, celui qui regarde Paris.

Cette conception est juste l’opposé de celle du Grand Etat-major, puisque celui-ci entend se rapprocher de Paris le plus possible et, pour cela, attaquer par l’Est et bousculer la gauche française vers Montmirail et Provins. Or, les deux systèmes contraires entrent simultanément, à l’heure décisive, en voie d’exécution. Cela revient à dire que von Moltke, sous le coup de la manœuvre de Joffre, a déjà perdu pied. Celui qui doit