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Laure est heureuse parmi les âmes qui lui font fête. Mais pourtant, de moment en moment, elle se tourne. C’est pour voir si son ami la suit.


XVI

Maintenant qu’elle est parmi les anges, près de Dieu, il ne suffit plus qu’il loue ses beautés, la lumière dont sa mort a dépouillé la terre. Maintenant qu’il sait tout, que la pleine vérité lui est révélée, il jette les yeux sur les tourments de sa vie passée. Il se rappelle ses plaintes sur les rigueurs de Madame, plaintes qui ont tourné parfois en cris de colère :


Apre cœur et sauvage, et volonté cruelle !


Il lui faut désormais se repentir de ses injustices passées, et louer les cruautés mêmes qui jadis ont fait sa torture.


O douces duretés, ô refus bienveillants,
tout pleins de chaste amour, et de pitié !
Gentil parler, en qui brillait avec éclat
la plus haute bonté, et l’honneur le plus haut !
Fleurs de vertu, fontaine de beauté
qui m’ont ôté du cœur toute basse pensée !


Pourtant le cœur du vieil amant eu deuil reste saignant. Il se sent seul et abandonné, à de certaines heures de détresse. La force de la résignation lui manque. C’est alors qu’il voit Laure descendre du ciel près de lui, dans un rêve de miséricorde. Il en a fait la plus douce Chanson du monde, en y donnant la plus parfaite apparence de réalité.

Tandis qu’il dort, la consolatrice est debout au côté gauche de son lit. Elle tient entre ses doigts deux petits rameaux, un de laurier, l’autre de palme. Il frémit. — D’où vient-elle ? Pourquoi est-elle venue ? — Pour le consoler. — Mais comment donc a-t-elle appris sa peine ? Elle répond :


« Les tristes ondes
des larmes, dont jamais tu n’es rassasié,
et le vent des soupirs, à travers les espaces,
passent jusques au ciel, et y troublent ma paix ! »


Elle a pour lui tant d’amour que la seule pensée de sa peine empêche qu’elle puisse jouir de l’éternelle béatitude. Mais elle