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de la persévérance, et l’ennemi, devenu le maitre, ne put leur arracher ni leur terre, ni leur langue, ni leur cœur danois. La première fois que parurent leurs députés à la Diète de la Confédération de l’Allemagne du Nord, ils prononcèrent ces paroles : « Nous sommes Danois et nous voulons être traités en Danois. » Récemment, au Landtag, M. Kloppenborg Skrumsager terminait un discours par ces mots : « Nous autres Danois, nous portons la tête aussi haute que les Prussiens. » Dans la salle, quelqu’un cria : « Mais n’êtes-vous pas Prussien ? » Il descendait les marches de la tribune ; il s’arrêta et se retournant, dit tranquillement, d’une voix forte : « Je suis Danois. » Cinquante années n’avaient rien changé.

Elles avaient plutôt resserré que distendu les liens qui rattachaient le Slesvig au Danemark, parce que l’amour était devenu tout à fait conscient ; plus il était difficile, dangereux même de l’exprimer, plus il avait de prix. L’histoire du Slesvig ne se comprend que si on se souvient que, joint au Holstein, pays allemand qui était tombé aux mains des rois de Danemark à la suite de mariages, il était habité au Sud par une noblesse mi-allemande, mi-danoise ayant des terres au Nord et au Sud de l’Ejder ; elle avait donc intérêt à ce que les Duchés fussent unis et elle travailla à germaniser le Slesvig. La Réforme, venue d’Allemagne, y contribua aussi et, jusqu’au XIXe siècle, les rois de Danemark laissèrent se répandre l’influence allemande.

La réaction contre la germanisation partit des paysans, ce qui était bien naturel puisque les Slesvigois étaient et sont encore presque entièrement des paysans. Quand la guerre de 1864 fut déclarée par la Prusse et l’Autriche au Danemark sous prétexte qu’il n’avait pas rempli les conditions relatives à la politique intérieure des Duchés qu’il s’était engagé à observer, le gouvernement danois fit immédiatement évacuer le Holstein, montrant par là qu’il considérait comme allemand ce duché dont la possession lui avait pourtant été reconnue, avec celle du Slesvig, par le traité de Londres en 1832 ; l’armée danoise, soutenue par une population qui ne se sentait rien d’allemand, défendit alors avec un courage héroïque le Slesvig.

Les Slesvigois crurent d’abord qu’ils pourraient décider de leur sort. Napoléon III avait fait introduire dans le traité de Prague, qui termina la guerre de 1866, le paragraphe 5 où il