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à éviter les projectiles et parfois ils passaient pour des héros parce qu’ils se lançaient en avant pour se faire prendre. Un grand nombre avaient déserté et s’étaient réfugiés en Danemark.

En Slesvig les journaux danois n’existaient plus que comme organes de la censure allemande. Les gens dont on connaissait les sentiments danois étaient à tous moments dénoncés et condamnés par les tribunaux. Malgré cela, les nouvelles des défaites allemandes volaient de maison en maison, on se les soufflait à l’oreille. Une immense espérance remplissait tous les cœurs. « Préparez les mâts, » écrivait un soldat, voulant faire entendre par là que le Danebrog, le drapeau danois, flotterait bientôt sur le Slesvig. Un autre, pendant la dernière retraite de la Marne, envoyait à sa famille ces simples mots « Tout va admirablement, si cela continue ainsi, nous serons chez nous dans quelques semaines ; » la censure, ne comprenant pas l’ironie, laissait passer la lettre. Quand des bruits de paix prématurée se répandaient, les Slesvigois, anxieux, souhaitaient la continuation de la guerre en dépit de tout ce qu’ils souffraient et de la mort de leurs enfants dont plus de 6 000 ont péri. Une paysanne disait qu’elle eût mieux aimé perdre tous ses fils que de perdre son espérance ; cette espérance était que le Slesvig fût bientôt réuni au Danemark.

Les événements se précipitaient. On approchait de ce tournant de la guerre qui a si rapidement amené notre victoire complète. Les représentants du Slesvig affirmèrent publiquement ses droits. Le 23 octobre dernier, M. H. -P. Hanssen demanda au Reichstag que, conformément à l’engagement pris au traité de Prague, on autorisât le Slesvig du Nord à procéder h un plébiscite. M. Soif répondit que le paragraphe 5 auquel se référait le député du Slesvig avait été effacé par l’Allemagne avec le consentement de l’Autriche.

Le jour même où M. Hanssen parlait au Reichstag, le gouvernement et le Rigsdag danois ont déclaré que le peuple danois, tout en maintenant sa neutralité, comptait « pour la réalisation de ses espérances nationales sur l’équitable application du principe des nationalités reconnu par les deux groupes de belligérants. »

Après l’armistice et l’établissement du gouvernement révolutionnaire en Allemagne, avait lieu à Aabenraa, en présence