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l’entrée du Président, manifestées. Soit que les bruits venus des « réceptions d’Alsace » eussent fouetté la foule lorraine, soit que la venue du Président, presque « un pays, » eût émoustillé l’amitié, m’es petites compatriotes à charlottes blanches qui, ce jour du 8, se comptaient par milliers, semblaient d’humeur à ne se point laisser cette fois surpasser par les Alsaciennes que le Président allait trouver de Saverne à Mulhouse et bien prêtes à jeter leurs charlottes à cocardes par-dessus les moulins de la Moselle. Dès la gare, leur pétulance n’avait pas connu de bornes et, chose inattendue, elles étaient encouragées à oser par l’épanouissement qui, à leur vue, et surtout au premier contact de la terre lorraine délivrée sous son principat, transfigurait littéralement notre Président. Elles assaillirent sans vergogne les voitures où s’asseyaient d’augustes personnages, et l’on vit notamment M. Georges Clemenceau et les maréchaux Joffre et Foch en butte à des assauts devant lesquels ces grands stratèges parurent désarmés. Enfin, escaladant les voitures des ministres, elles en investirent les marchepieds, les impériales, les sièges et jusqu’aux intérieurs, à ce point que la foule de l’Esplanade, un instant stupéfaite, allait voir arriver ces gros messieurs avec une petite Lorraine à charlotte sur chaque genou et de jolies grappes de frais minois et de frais atours pendues à leurs équipages. L’apothéose prenait donc tournure joyeuse aux premiers tours de roue. Le Président n’étant parvenu à l’Esplanade que dans une voiture remplie dès la gare de gerbes de fleurs, un ministre, pour s’excuser d’arriver en si galant équipage, disait : « Le Président avait ses fleurs, et nous les nôtres. »

L’admirable cérémonie militaire de l’Esplanade avait ramené les esprits à plus de gravité. Mais le discours du Président à l’Hôtel de Ville, surtout, éleva jusqu’à la plus grande hauteur, d’aucuns allèrent jusqu’à dire au sublime, les pensées et les sentiments. La presse a donné ce discours, le premier d’une série qui formera une sorte de livre d’or, la première de ces dix admirables harangues, demain célèbres, qui ne souffriraient d’être ni découpées ni analysées, parce que tous les mots en sont des joyaux, impossibles à détacher de la couronne tressée par le chef de l’Etat français à la fidélité de la Lorraine et de l’Alsace. « Chère Ville de Metz, ton mauvais rêve est évanoui. Voici la France qui revient et qui t’ouvre les