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Brusquement, quand la guerre éclata, des centaines de milliers de personnes, dont la plupart n’avaient jamais grevé le budget de la charité, se sont trouvées dans la plus profonde détresse, soit par suite du départ aux armées des chefs de famille, soit qu’elles aient dû abandonner leur foyer devant l’invasion. Pour remédier à tant de misères, on ne disposait que de moyens très restreints : d’une part, des établissements publics dotés d’un budget limité, et paralysés par leur propre organisation ; de l’autre, un certain nombre d’établissements privés déjà insuffisants en temps de paix, n’étant jamais sortis du cadre restreint de leur champ d’action particulier, s’ignorant les uns les autres, et par suite, faute de cohésion, mal préparés à l’effort collectif qui s’imposait. En somme, au début de la guerre, il en était des questions d’assistance comme de tant d’autres : on était réduit à l’improvisation.

Il est regrettable qu’à ce moment les pouvoirs publics n’aient pas senti la nécessité de grouper sous quelques éminentes autorités, toutes les bonnes volontés, les énergies en présence dont le pays débordait. Par une sorte de compensation aux atrocités allemandes, un admirable élan de charité emportait la population tout entière sans distinction de classes sociales, ni de croyances. Canaliser de telles forces, les répartir selon un plan méthodique, tout en laissant la plus large part aux initiatives, telle était la tâche des autorités. Mais les graves événements qui se déroulaient alors firent qu’au début, l’on n’attacha pas à cette question toute l’importance qu’elle méritait.

Finalement, on s’arrêta au système des allocations que l’on pourrait appeler le système forfaitaire : moyennant une modique somme journalière, l’État se trouve déchargé de toute obligation envers l’assisté, procédé commode assurément, mol oreiller sur lequel se repose le fonctionnaire qui, dès lors, n’a pas à se préoccuper des problèmes moraux et sociaux que comporte l’assistance. En somme, l’État dit à l’assisté : « Je vous donne 1 fr. 25 par jour ; moyennant quoi, j’entends bien ne plus entendre parler de vous. » C’est le pire des systèmes parce qu’il ne comporta aucune idée sociale et qu’il semble surtout imaginé pour éviter tout effort ; il facilite les abus, les doubles emplois, et constitue dans bien des cas une véritable prime à la paresse. Pendant longtemps, en effet, le seul fait de se livrer à un travail quelconque a entraîné, du moins pour les réfugiés, la suppression de leur allocation. Non certes que l’on eût dû