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combinaisons agressives de notre gouvernement : voilà, qui est d’un bon comique. Comment ! vous saviez cela le 4 août, et, au lieu de le proclamer, vous disiez que la protestation de la Belgique était légitime et qu’elle aurait une réparation. Mais alors vous trahissiez votre patrie en la présentant comme coupable et la Belgique comme innocente ! J’aime mieux croire que vous étiez sincère alors, et que vous aviez, en décembre, cessé de l’être.

Quant au sarcasme avec lequel, dans ce même discours de décembre, le gouvernement prussien accueillait la parole d’honneur d’hommes exilés depuis un an pour avoir été fidèles à la foi jurée, et refusait de les croire lorsqu’ils niaient, entre la Belgique et l’Angleterre, toute convention diplomatique, il montrait que l’Allemagne ignore ce qu’est pour les Belges la parole d’honneur : ils ont prouvé cependant qu’ils soutirent tout plutôt que d’être infidèles à l’honneur.

Mais le gouvernement belge, dit-on à Berlin, aurait dû prévenir l’Allemagne ? Cela est douteux, mais admettons-le. Eh ! bien, il l’a fait, et vous avez sous ce rapport une déclaration que personne, même en Allemagne, je pense, ne s’avisera de contester : c’est celle du roi Albert lui-même. Dans une entrevue accordée au représentant du grand journal New York Sun, le roi Albert déclare ceci : « Je tenais tellement à éviter jusqu’à l’apparence d’un manquement à la neutralité, que j’avais fait informer l’attaché militaire allemand de l’incident dont on fait aujourd’hui tant de bruit. Quand les Allemands ont fouillé nos archives, ils savaient exactement ce qu’ils y trouveraient : leur surprise et leur indignation sont feintes. »

Cette parole de héros tomba comme un coup de foudre sur le misérable échafaudage de mensonges et de sophismes par lequel les Prussiens ont cherché à déshonorer la Belgique. Toutes les insanités que les avocats de l’Allemagne ont alléguées sont en définitive la vengeance de la Belgique. Oui, nous aurions le droit, nous les vaincus écrasés sous le talon prussien, de contempler avec un sentiment de pitié hautaine la détresse morale de nos maîtres en face de leur iniquité !

Le cardinal Gaspard, parlant à M. van den Heuvel des documents par lesquels l’Allemagne essayait d’établir que la neutralité belge n’existait plus au moment de l’invasion, lui déclara : « Il n’appartient pas au Saint-Père de trancher cette