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pour les malheureux y avaient apporté le meilleur de leur cœur et de leur âme.

Ils avaient voulu en faire un ouvroir type, destiné à servir de modèle du genre pour la Russie. Tous les appareils de mécanothérapie les plus perfectionnés y avaient été réunis. Chaque homme allait être soigné, éduqué, rééduqué, selon ses capacités mentales et physiques. Les spécialistes les plus réputés avaient offert gratuitement leurs services et mis à notre disposition leurs talents. Cet asile de Lesnoi était vraiment le rêve réalisé des savants et des humanitaires… Les invalides s’en rendaient compte ; ils paraissaient heureux ; ils avaient revêtu pour l’inauguration leurs habits de fête : l’avenir s’annonçait sous des couleurs favorables.

La direction est confiée à une sœur qui vient du front : elle comprendra les maux des mutilés et compatira à leurs souffrances. Les autres membres du personnel, des étudiants et des étudiantes, ont le zèle de la jeunesse : le feu sacré du dévouement brûle en eux. Sur notre demande, les invalides se font représenter par deux d’entre eux dans notre comité de gestion. Une vie de labeur, une atmosphère où ils ne sentiront que de la sympathie, enfin notre préoccupation de leur bien-être les empêcheront de se démoraliser.


On m’a priée d’héberger un petit volontaire : c’est un pauvre garçon rachitique et dégénéré, qui a grand besoin de prendre des forces. Il ne sera pas encombrant. Timide, effacé, il passe inaperçu, sans bruit : on ne le voit, on ne l’entend pas. Pauvre enfant I Puisse-t-il se rétablir dans ce coin de verdure où il trouvera paix et sympathie.


Octobre. — L’automne fait pleuvoir les feuilles. Un soleil sans chaleur ne dore plus de ses rayons ce jardin qu’hier encore il faisait si gai. Les arbres ont dépouillé leur robe verte pour des parures plus sombres, brunes et rouges. Les coqs et les poules n’animent plus les allées de leur présence. La niche a perdu son hôte. Les géraniums aux fenêtres penchent leurs têtes fanées. Les feuilles tombent.

La tristesse du jardin a pénétré dans la maison. L’enchantement des premières semaines a disparu. Maintenant, ce sont contre le personnel d’incessantes réclamations : les salaires ne