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LA GRANDE PITIÉ DU VILLAGE

Cependant, par le royaume de France, toutes choses s’aggravent. La détresse trouve moyen d’empirer. À celle extrémité de la terre du roi Charles qui touche à l’Argonne et à la Meuse, de nouveaux désastres s’apprêtent[1].

Domremy ne demeure français, depuis des années déjà, que par le soutien de Vaucouleurs. La petite place forte est à cinq lieues de distance, gardant la Meuse en aval. Avec Passavant en Argonne, et Beaumont et Mouzou plus bas sur le fleuve, elle compose vers l’Est le dernier groupe de bastions que l’ennemi n’a pas réduit[2].

Or, au printemps de l’année 1428, Anglais et Bourguignons, gouvernement de Dijon et gouvernement de Paris, ont organisé un effort méthodique contre ces forteresses obstinées. En quelques semaines, la campagne a réussi. Les quatre villes ont traité. Une seule, par le jeu des clauses de sa capitulation, conclue à terme selon les usages du temps, n’admet pas de suite l’ennemi dans ses murs, subordonnant l’ouverture de ses portes à quelque condition de temps ou de fait qui demeure inconnue jusqu’ici. C’est Vaucouleurs, où veille un commandant vigoureux. Un dernier rameau français abrite encore ce point suprême du val de Meuse, mais pour un délai provisoire et fatal dont l’échéance est annoncée.

À cette occasion, la guerre passe à Domremy.

Les habitants du village, à maintes reprises, ont déjà connu les alertes. Ils ont cherché refuge, plus d’une fois, à l’intérieur des défenses du logis seigneurial, la maison forte située dans une île de la Meuse, qui suffit à les garantir, eux et leurs biens, contre une razzia passagère de coureurs et de pillards. Trois ans plus tôt, une alarme plus forte les a secoués : une bande bourguignonne leur a enlevé tout leur bétail, entraîné meuglant par les chemins jusqu’au-delà de Joinville, à près de quinze lieues de distance, et qu’ils parviennent à récupérer

  1. Le rattachement de la fraction du village où se trouvait la demeure de Jacques d’Arc au bailliage royal et français de Chaumont-en-Bassigny a été définitivement démontré par les savantes études de M. l’abbé Misset.
  2. Sur ces événements de la région, à Domremy et aux alentours, voyez Siméon Luce, Jeanne d’Arc à Domremy.