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ne peut tracer une biographie sans que ce souvenir s’y lève.

M. Marcel Prévost a répondu avec beaucoup de finesse et d’agrément, non sans un retour à la vieille tradition qui mêle sous les fleurs, dans la corbeille offerte au récipiendaire, la figue et le raisin. Il s’est égayé sur l’étendue du Philippe V, en se réjouissant d’avoir été amené à le lire, et en assurant qu’il lui avait fallu trois mois pour en venir à bout. Il nous a dit comment la destinée de la France était une œuvre continue, et comment la royauté avait été nécessaire à son heure. Il a montré comment dans cette guerre tous les Français s’étaient retrouvés frères. Il a fait des vœux pour un avenir de liberté. La pente de son discours l’a ramené plus près des romanciers, quand il a fait allusion, avec une indignation éloquente, à la fausse et funeste idée qu’on se faisait à l’étranger de la famille française. Enfin il a parsemé son discours de traits et d’anecdotes qui ont eu beaucoup de succès. Il a montré le cardinal Perraud collaborant au mot chic. Il a compté les oratoriens qui avaient fait partie de l’Académie et évoqué parmi eux le bon La Fontaine. Je crois que les oratoriens ont accoutumé d’entendre cette arithmétique, comme les clercs du diocèse de Soissons avaient coutume d’entendre ranger Racine parmi eux. M. Marcel Prévost a fait encore deux beaux tableaux d’histoire, l’un de la fondation de la liberté dans l’enseignement supérieur, l’autre de la séparation de l’Église et de l’État en 1906. Enfin, il a terminé par un apologue cette charmante histoire du curé gascon qui réconcilie deux paysans ennemis en les engageant à penser non au mal qu’ils ont reçu, mai9 à celui qu’ils ont fait : ils en sont égayés et deviennent bienveillants. M. Marcel Prévost a engagé l’Église et la Démocratie à se réconcilier par de semblables retours. Ce n’est pas très orthodoxe, mais c’est agréablement humain.

Que de sages pensées nous avons entendues à l’Académie depuis quatre mois que les réceptions s’y succèdent ! Comme tous ces conducteurs de l’opinion parlaient avec une intelligence généreuse et un patriotisme plein de discernement ! Et comme il faut souhaiter qu’il en passe quelque chose dans l’opinion elle-même !


HENRY BIDOU.