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REVUE LITTÉRAIRE.

très hardiment rigoureuse, on devine où seront menés les ignorants et, dans l’État, d’autres gaillards avec lesquels il faut compter, les entrepreneurs de méfaits et coquins de toutes sortes.

Tant pis ! répliquent le savant et ses fidèles ; ce n’est pas notre affaire, de savoir si la vérité vous est agréable ou non : et, si vous avez besoin de mensonges, pour établir solidement la société qu’il vous plaît de sauver, adressez-vous ailleurs !…

Cette réplique n’est pas mauvaise ; et l’on n’a point à refuser la vérité pour ses conséquences fâcheuses. Mais, d’autre part, voilà toute une dialectique formidable et qui s’appuie sur quoi ? sur « l’hypothèse d’histoire naturelle » que l’inventeur de cette hypothèse voulait qu’on n’étendit pas hors du domaine où il avait sa compétence. Les expériences et les observations de Darwin sont à présent contestées : les expériences et les observations sur lesquelles il avait fondé son hypothèse. Alors, peut être n’est-il pas indispensable de procéder à ces vives destructions que les corollaires de l’hypothèse autorisaient ou commandaient. « Notre victoire nous effraye ! » disait Le Dantec. Si le darwinisme était une immense erreur, les néo-darwiniens avoueraient-ils leur joie d’être enfin rassurés par la défaite ?

Il se produit, depuis quelques années, une réaction très importante contre la philosophie néo-darwinienne ; et l’on vient de publier un volume, hélas ! inachevé, du professeur Grasset, Le « dogme » transformiste, où les meilleurs arguments sont présentés sous la forme souvent la plus saisissante. Le professeur Grasset travaillait à cet ouvrage et n’avait plus que deux chapitres à écrire, lorsqu’il est mort le 7 juillet de l’an passé.

Le « dogme » transformiste ? Ce mot surprend. Le transformisme n’est pas un dogme !… Ou bien alors, les néo-darwiniens se moquent de nous. Ils démolissent tous les dogmes ; et, sous le nom de dogmes, ils démolissent toutes les croyances, tous les principes et les conventions sur lesquels reposent les sociétés humaines. Ils démolissent tous ces dogmes avec un instrument qu’ils appellent la vérité scientifique. Leur instrument, c’est le transformisme : et il faut donc que le transformisme soit, le contraire d’un dogme, une vérité scientifique.

Ou bien est-ce le professeur Grasset qui se moque des néo-darwiniens en appelant « dogme » leur transformisme ? Pas du tout. Un chapitre de Le Dantec est par Le Dantec intitulé : Le dogme transformiste. Et voici le début de ce chapitre : « De ce que les documents paléontologiques sont très imparfaits, de ce que certains savants