Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/218

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
214
REVUE DES DEUX MONDES.

hardis ont eu le tort de tirer de ces documents imparfaits des arbres généalogiques dans lesquels il est aisé de découvrir des erreurs, des philosophes timorés ont cru pouvoir conclure à la faillite du transformisme… » Dame ! si les documents paléontologiques ne vous permettent pas de prouver ce que vous nous sommez de considérer comme l’indiscutable vérité scientifique, et si vous avouez que les préludes de votre vérité scientifique sont tout pleins d’erreurs, oui, nous sommes touchés de quelque doute… Le Dantec se fâche : « Toutes les généalogies proposées pourront s’effondrer sans que le dogme transformiste en soit atteint. Et le dogme a une valeur religieuse incontestable. » Il faut l’avouer, c’est comique !

C’est comique, parce que les néo-darwiniens sont, après cela, trop commodément et confortablement à l’abri de toute objection. Vous aurez beau leur dire que le drosera n’est pas plus carnivore qu’une table de bois, que leur importe ? et que les expériences darwiniennes ne suffisent pas à démontrer ce qu’ils racontent, que leur importe ? Vous leur demandez une démonstration, des preuves : ils ne vous en donneront pas. Pour qui les prenez-vous ?… Mais pour des savants !

Pour des savants ?… Lisez le bonhomme Hæckel, père du monisme darwinien, grand pontife de la biologie intégrale. Le bonhomme Hæckel écrit, aux premières pages de son Anthropogénie : « Dans cette guerre intellectuelle qui agite tout ce qui pense et qui prépare pour l’avenir une société vraiment humaine, on voit d’un côté, sous l’éclatante bannière de la science, l’affranchissement de l’esprit et la vérité, la raison et la civilisation, le développement et le progrès ; dans l’autre camp se rangent, sous l’étendard de la hiérarchie, la servitude intellectuelle et l’erreur, l’illogisme et la rudesse des mœurs, la superstition et la décadence. » Le professeur Grasset note que ce langage n’est pas d’une excellente qualité scientifique : et c’est le moins qu’on en veuille dire. Mais le bonhomme Hæckel tient à son idée. L’erreur, assure-t-il, a duré jusqu’au jour trois fois heureux où ledit bonhomme, abusant de l’hypothèse darwinienne, a résolument affirmé l’origine animale du genre humain. Mais prouvez-la, cette origine ? Le bonhomme vous avertit que vous l’ennuyez, avec tant d’incertitude : si vous êtes intelligent, vous l’approuvez tout de go ; si vous le chicanez, vous êtes un imbécile, un arriéré, le reste lamentable des âges abolis. Il écrit : « Pour apprécier le degré de développement intellectuel de l’homme, il n’est pas de meilleur étalon que l’aptitude à adopter la théorie évolutive et la philosophie monistique qui en est la conséquence. » Le professeur