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ce qu’elle vaudra ; mais la France, la Belgique, l’Angleterre, et, à travers l’Océan, l’Amérique elle-même n’ont, à l’Est, qu’une bonne frontière militaire, le Rhin. Il faut que la question soit nettement posée, et que deux questions ne se confondent pas en une. L’occupation militaire des pays de la rive gauche du Rhin, jusqu’à ce que l’Allemagne ait exécuté ses obligations, compensé ses dommages, remboursé ses exactions, payé et expié ses crimes, l’occupation pendant une période déterminée est une chose : la frontière militaire permanente, envisagée non contre une réparation du passé, mais comme une précaution pour l’avenir, en est une autre, toute différente. Elle est donnée, du fond des temps et jusqu’au fond des temps, par la nature et par l’histoire. Les contingences passent sur elle sans y rien changer, et, au regard de la nécessité perpétuelle qui la commande, ne sont que des accidents éphémères, insignifiants et négligeables. La main de l’homme n’efface pas par quelques lignes écrites sur une feuille de papier ce que la main du Créateur a écrit sur la face et dans les entrailles mêmes de la terre. Il faut que le Rhin soit pour nous la frontière militaire, parce que l’Allemagne est l’Allemagne et parce que la France est où est la France. Jamais, lorsqu’il ne l’a pas été, nous n’avons eu de sécurité ni de tranquillité. Jamais nous n’en aurons tant qu’il ne le sera pas. À cette garantie qui ne peut nous venir que de lui seul, aucune garantie antérieure ne suppléera : il peut y en avoir d’accessoires et de complémentaires ; il n’y en a point d’équivalentes ; il en est qui peuvent s’y adjoindre : il n’en est pas qui puissent en dispenser.

Que dit l’histoire ? La frontière de 1815 nous a livrés à l’ennemi, qui savait bien ce qu’il faisait en nous l’imposant. « Au point de vue exclusivement militaire, remarque un technicien réputé, le tracé de cette frontière était très désavantageux pour la France, particulièrement pour la partie orientale, de l’embouchure de la Lauter à la Moselle, où elle touchait au Luxembourg. L’armée allemande principale, maîtresse des têtes de pont de la Sarre, pouvait déboucher en Lorraine en marquant les places de Metz et de Thionville, ce qui faisait tomber d’un seul coup la ligne du Rhin et celle des Vosges. L’armée secondaire, destinée à opérer en Basse-Alsace, avait sa liberté de manœuvre depuis la perle de Landau. La liaison avec l’armée de Lorraine était assurée par la route de Pirmasens à Sarrebrück, tout entière en Allemagne, et par celle de Wissembourg à Sarreguemines, par Hornbach, qui n’est pas défendue ; elle pouvait ensuite s’ouvrir à travers les Vosges certaines routes imparfaitement