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précaution, pour se garder contre tous risques ; on ne considère pas comme probable qu’il ait à jouer un rôle réel. Car toute l’armée Humbert est orientée en avril et en mai vers la préparation d’une grande action de contre-offensive qu’elle compte tenter en direction de Boulogne-la-Grasse. Or, voici qu’au contraire, vers les derniers jours de mai, elle s’aperçoit, à divers signes, que c’est elle-même qui va subir une attaque. Aussitôt, elle tend toutes ses énergies vers la défensive, et dans les divers secteurs dont elle a la garde chacun s’applique à se mieux pénétrer de la doctrine prescrite.

C’est pourquoi la 36e division s’emploie, dans les tout premiers jours de juin, à renforcer encore sa position de résistance : en grand secret, en grande hâte, par des travaux de nuit, les troupes établissent une ligne dite des Réduits, que l’ennemi n’aura pas le temps de repérer, et qui passe par les villages de Ployron et de Courcelles. Le 4 juin, comme les menaces d’une offensive allemande se précisent, les exécutants sont tous avertis que « la défense du secteur confié à la 36e division sera reportée le plus en arrière possible ; » que « l’ennemi pourra emporter d’un premier élan la parallèle principale et la parallèle de soutien » et qu’ « il appartiendra aux troupes de la ligne intermédiaire et de la ligne des Réduits d’arrêter sa progression. » Le 8 juin, l’attaque allemande apparaissant comme imminente, l’ordre est donné de « réduire au minimum la densité des compagnies sur les points d’appui de la première ligne. » Il est spécifié que « la défense se portera sur la position Ployron-Courcelles » : et que « sur cette position le dispositif des divers éléments de résistance en avant de la parallèle des Réduits sera celui d’un quinconce de groupes de combat de densité croissante de l’avant vers l’arrière. »

Les Allemands attaquent le 9 juin, de Montdidier à Noyon, sur tout le front de l’armée Humbert : ils comptent atteindre Compiègne le soir même. Au secteur de Tricot, ils auront affaire à la troupe magnifique qu’une citation à l’ordre de l’armée a dénommée un an plus tôt « la division ardente et brave, » parce que, commandée alors par le général Paquette, elle s’est couverte de gloire au Plateau de Californie. Au Plateau de Californie les soldats de la 36e avaient montré qu’ils pouvaient tenir sans reculer d’un pas sous les obus, sous la mitraille, sous les gaz, sous n’importe quoi ; aux jours de juin 1918