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1 020 francs avec sa bordure, sa frange et ses ornements ; il ressemblait moins encore à celui qui est réclamé dans les Petites Affiches de 1761 par une note ainsi conçue : « Le 13 janvier, on a perdu entre 10 et 11 heures du soir, depuis l’aile neuve du château de Versailles, jusques chez le Sr Touchet, baigneur, un corset de grand habit, de carrelé couleur de rose, garni d’hermine, avec-des manchettes de point. Récompense honnête a qui le rapportera à Mme  la comtesse de Galiffet, rue Hillerin Bertin, près l’Abbaye de Panthemon. » Et tous ces corsets enfin n’ont guère rien de commun avec l’armature intime qui, sous couleur d’affiner, accuser ou déguiser la taille de nos contemporaines, tantôt monte suivant les caprices de la mode jusqu’aux aisselles, et tantôt descend jusqu’aux mollets.

Le « tabart » de camelot, qu’Albert Dürer se fait confectionner pour 367 francs à Anvers (1521), peut passer pour un mac-farlane ; mais peut-on identifier à la robe d’avocat actuel une « robe de palais » qui coûte 127 francs à Paris et 23 francs à Boulogne-sur-Mer (1779), tandis qu’une robe d’huissier en drap bleu vaut 300 francs à Rouen (1786) ? La soutane de notre clergé d’aujourd’hui est-elle plus près de celle d’un chapelain de Mézières, à 70 francs (1682), que de celle de l’archidiacre de tout à 480 francs ? La première sans doute se rapprochait de la moyenne, si l’on en juge par les humbles inventaires de nos curés de campagne d’autrefois, dont la garde-robe se composait le plus souvent d’une soutane de sargette avec sa soutanelle, une paire de souliers et une de chaussons, quatre ou cinq paires de bas de drap ou de laine, autant de chemises et de rabats, une veste et un chapeau.

Il est vrai que nombre de bourgeois et même de nobles ruraux, végétant sur quelques maigres fiefs, ne possédaient guère davantage : Le Seigneur du Bruel (Aveyron) laissait à sa mort (1785) un habit bleu doublé de molleton blanc, une capote, trois culottes gris-blanc, un bonnet de laine et trois chapeaux, dont un avec ganse et bouton d’or. Cette ganse d’or le tirait du commun ; précaution qu’avait négligée peut-être ce gentilhomme breton dont Mme  de Sévigné nous conte l’histoire ; à Rennes, chez le duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne, elle accoste un inconnu qu’elle prend pour le maître d’hôtel : « Mon pauvre homme, lui dit-elle, faites-nous dîner, nous