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mourons de faim. -— Madame, lui fut-il répondu, je voudrais être assez heureux pour vous donner à dîner chez moi ; je me nomme Pécaudière et mon château est à deux lieues de Landerneau. — Ce que je devins, ajoute la marquise, n’est pas une chose qu’on puisse redire. »

On demeure surpris du peu de vêtements dont se contentent des gens de qualité lorsqu’ils vivent retirés sur leurs terres, je ne parle pas des excentriques, comme ce M. de Saint-Chamans qui n’avait sous Louis XIII qu’un pourpoint et un manteau de couleur Minime, c’est-à-dire de la nuance brune ou tannée des religieux de Saint-François-de-Paule, parce qu’il avait voué à cette couleur sa personne et tout son mobilier, lit, couvertures, chaises à bras, et même l’intérieur de son carrosse. Mais le comte de Ludres, sénéchal de Lorraine, chef d’une des grandes familles de la province, ne possédait, en 1686, dans son manoir qu’un justaucorps rouge, garni de boutons et galons d’or, avec la culotte, une veste de velours noir, un manteau d’écarlate et une robe de chambre d’indienne, tandis que sa panoplie était garnie de quatre paires de pistolets et de onze fusils, dont une canardière.


VI

Lorsque les deux sexes eurent cessé de porter, comme au moyen âge, le même costume, les maris eurent des vêtements différents de ceux de leurs femmes quant à la forme, mais de pareilles substances et couleurs. Un intendant de Guyenne, quelques années avant la Révolution, consigna en son livre de comptes l’achat de « 12 aunes de taffetas d’Italie puce, pour faire, dit-il, un déshabillé pour madame, et un habit pour moi. » La toilette masculine demeura aussi coûteuse que celle des dames. Nous en avons la preuve dans les comptes des particuliers ; pour les princes et princesses, cette dépense était un chapitre du budget officiel, dans lequel leur propre personne ne tient souvent qu’une modeste place.

Ainsi Blondel, ministre de France près de Victor-Amédée de Savoie, premier roi de Sardaigne (1725), dit ne lui avoir jamais eu pendant sept ans, hiver et été, qu’un habit de drap café, sans or ni argent, de gros souliers à deux semelles, des bas drapés l’hiver et de fil l’été. Il avait de plus, dans sa garde-robe, un