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2400 francs, le reste, est pour le drap, les boutons et la doublure.

Le faste n’excluait point l’économie : le tailleur fournit au duc de Penthièvre des « dessous de bras » par douzaines ; ce prince fait raccommoder ses chemises, refaire ses boutonnières (à 0 fr. 20 chaque) et même ses linges à barbe. On reprise ses serviettes de toilette et l’on remet un col neuf à son peignoir de toile. Il fait dégraisser ses habits de soie par un spécialiste, à raison de 4 fr. 50 la pièce. Cependant sa dépense de toilette, bon an mal an, n’est pas moindre de 30 000 francs qui, pour 1778, consistait en 9 000 fr. d’étoffes et de façon des costumes, 10 200 fr. d’achat et d’entretien de dentelles, 300 fr. de rubans, 3 400 fr. de broderies, 630 fr. de perruques, 1 400 fr. de bas, 1 000 fr. de parfumerie, etc… Au XVIe siècle, le duc de la Rochefoucauld, l’auteur des Maximes, se réservait 15 600 francs par an pour ses habits et ses menus plaisirs ; en 1788, le duc de la Trémoïlle consacrait au même chapitre 21 000 francs sur un budget de 560 000 francs.

Mais la toilette masculine n’était plus la même au moment de la Révolution et la France avait perdu, sur ce terrain, l’ascendant naguère possédé par elle à l’étranger. Le Petit Maître français, disait un Anglais au milieu du XVIIIe siècle, est considéré partout, sans excepter Londres où il s’habille à la mode de son pays, généralement admirée par nous. Nous ne suivons pas ces modes que nous admirons ; entre les costumes des deux nations le contraste est saisissant ; mais nous n’avons pas assez d’esprit pour persister dans notre propre mode sur le continent.

« Aussi, quand un Anglais arrive à Paris, il ne peut se montrer dans les rues avant d’avoir subi une complète métamorphose. Il fait appeler tailleur, perruquier, cordonnier Il doit même changer ses boucles de souliers et la forme de ses manchettes et se conformer à la mode de la saison, fût-ce au péril de sa vie, le temps n’eût-il jamais été plus froid. Ni âge, ni infirmité ne l’excuseront de se vêtir chaudement avant le jour fixé par l’usage. Il doit avoir un vêtement de camelot galonné d’argent pour le printemps et l’automne, d’autres en soie pour l’été, d’autres en velours et porter une perruque à la pigeon, au lieu de sa perruque à nœuds. Cette variété de costume est absolument indispensable à qui prétend au moindre