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ministère Waddington avait cherché à en établir les bases, sans s’apercevoir, ainsi que cela résulte des décisions du Congrès de Berlin, qu’il faisait ainsi le jeu de l’Allemagne. Lorsque Gambetta, ayant pris le pouvoir au mois de décembre 1881, nomma le comte de Chaudordy ambassadeur en Russie, il lui dit : « Un rapprochement de la France et de la Itussie est à souhaiter, mais ce sera pour plus tard ; c’est un capital en réserve. » Quant au Président Grévy, il ne croyait pas que l’Alliance put devenir jamais une réalité. Laboulaye, à la veille de son départ, étant allé prendre congé de lui et lui ayant demandé s’il n’avait rien à faire dire à l’Empereur, s’attira cette réponse : « Absolument rien ; nous n’avons rien à en attendre. »

C’est l’opinion qu’il ne cessa d’exprimer jusqu’à la fin de sa présidence ; il la manifestait toutes les fois qu’on parlait devant lui de l’éventualité d’un rapprochement de la France avec le gouvernement impérial.

Entre temps, M. de Freycinet qui siégeait alors au quai d’Orsay, prévenu par le comte d’Ormesson des désirs de l’empereur Alexandre, avait dressé une liste de trois noms, afin de permettre au souverain de choisir lui-même ; mais il eut soin de mettre on tôle celui de Laboulaye, qui fut tout naturellement agréé.

Le nouvel ambassadeur était assuré de recevoir en Russie le plus bienveillant accueil. Alors âgé de cinquante-trois ans, il avait fait dans la diplomatie une brillante carrière, au cours de laquelle, avant d’être nommé d’abord ministre en Portugal, puis ambassadeur à Madrid, il avait passé deux années à Saint-Pétersbourg comme premier secrétaire et a plusieurs reprises comme chargé d’affaires. Il était donc connu dans les sphères gouvernementales russes et y connaissait tout le monde. Je tiens de lui qu’en y revenant, il fut reçu comme un ami qu’on est heureux de retrouver.

Le 25 novembre, il était admis à présenter à l’Empereur ses lettres de créance. En réponse aux paroles de bienvenue par lesquelles il était accueilli, il rappela le séjour qu’il avait fait autrefois dans la capitale russe et exprima l’espoir qu’il y trouverait de nouveau la bienveillance dont il avait été alors honoré. « Dans ce cas, ajouta-t-il, et surtout si la confiance de Votre Majesté soutient mes efforts, le succès de ma mission est assuré et j’aurai la joie d’entretenir et de resserrer les bonnes