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des Affaires étrangères, le vicomte Motono, avait eu une vie difficile et mouvementée. — Formé le 9 octobre 1916 et comprenant des hommes de grand talent, il avait été combattu dès le principe à cause du vice originel que lui reprochait l’opposition, c’est-à-dire parce qu’il n’avait ni base parlementaire, ni programme satisfaisant aux exigences des partis constitutionnels. Quoique, par les élections générales qui eurent lieu le 20 avril 1917, il eût obtenu, grâce il est vrai à l’appui du parti Seiyukai, une majorité de 200 voix, il eut, dès la session extraordinaire des Chambres aux mois de juin et de juillet, et plus encore dans la session ordinaire de janvier à mars 1918, à subir des attaques violentes, d’abord sur sa politique intérieure et financière, mais aussi sur sa politique extérieure que cependant le vicomte Motono dirigeait d’une main singulièrement expérimentée et ferme. Le maréchal Teraoutsi avait dû, devant l’insistance agressive du Parlement, remanier de fond en comble le budget qu’il avait soumis aux Chambres. Au lendemain de la session ordinaire de 1918, et à la suite des critiques formulées contre la politique du gouvernement à l’égard de la Chine et contre les projets d’intervention en Sibérie, le vicomte Motono, d’ailleurs épuisé par la maladie à laquelle il allait succomber trois mois plus tard, s’était retiré du cabinet et avait cédé la place à l’un de ses collègues, le baron Goto, ministre de l’intérieur, qui, tout en n’abandonnant pas la ligne jusqu’alors adoptée, s’efforça cependant d’apaiser l’hostilité de ses adversaires et surtout du vicomte Kato, chef du parti Kenseikai, qui avait été le ministre des Affaires étrangères du cabinet Okuma.

La situation déjà affaiblie et précaire du maréchal Teraoutsi se trouva aggravée dans l’été de 1918 par les troubles survenus dans la vie économique du pays, par le renchérissement des prix et par la crise du riz dont la cherté et l’insuffisance devenaient une calamité publique. L’opinion et la presse se montraient sévères pour le Gouvernement. Tous les partis, la Chambre des Pairs elle-même, exprimaient leurs doléances et leurs plaintes au Président du Conseil et aux ministres accusés d’imprévoyance. Les voix se faisaient chaque jour plus nombreuses et plus impératives pour réclamer la démission du cabinet, attendue de la majorité du pays comme le premier et indispensable soulagement à la détresse du peuple.