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victoire éclatante non seulement sur les réactionnaires, mais aussi sur les Octobristes ; cette victoire était due avant tout à la supériorité de leur organisation ; mais le Gouvernement, ou plutôt M. Dournovo, ministre de l’Intérieur, y avait certainement contribué par une politique de répression brutale et aveugle qui avait exaspéré les éléments les plus modérés. Cela me confirmait dans mes craintes à l’égard du cabinet en préparation et j’éprouvais d’autant plus de répugnance à en faire partie.

Sur ces entrefaites, l’Empereur m’invita à me rendre à Saint-Pétersbourg pour y recueillir la succession du comte Lamsdorff : en même temps, le tsar acceptait la démission du comte Witte et nommait M. Goremykine premier ministre. Je n’eus d’autre choix que d’obéir à l’appel du souverain. J’arrivai à Saint-Pétersbourg le jour même de l’ouverture de la Douma, juste à temps pour assister à cette mémorable cérémonie.


LA CÉRÉMONIE AU PALAIS D’HIVER

La question de savoir si la cérémonie aurait lieu au palais de Tauride, spécialement aménagé pour servir de local provisoire à la nouvelle Assemblée, ou bien dans une des salles du Palais d’Hiver, avait fait l’objet de vives discussions dans l’entourage de l’Empereur. Le parti réactionnaire s’opposait énergiquement à ce que le souverain se rendit à la Douma ; les extrémistes conseillaient même à l’Empereur de ne pas paraître en personne devant les députés et de faire ouvrir la session en son nom par le premier ministre. Il fut finalement décidé que l’Empereur suivrait la procédure adoptée à Berlin pour l’ouverture du Reichstag, c’est-à-dire qu’il convoquerait les députés au Palais d’Hiver et inaugurerait la session en leur adressant un discours.

Arrivé dans la matinée, j’eus tout juste le temps de revêtir l’uniforme de cour et.de me rendre au Palais. Ma nomination n’ayant pas encore paru à l’Officiel, je ne me joignis pas au groupe des ministres d’Etat dont la place était marquée dans la salle du Trône, réservée à l’inauguration ; mais comme, indépendamment de mon rang de fonctionnaire civil, j’avais celui de chambellan de la cour impériale, je n’avais qu’à prendre ma place dans le cortège qui devait précéder l’Empereur, pour ne