Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/494

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

membres de la famille impériale et de leurs invités. Ces réunions, dont je garde un souvenir plein de charme, étaient éclairées par la grâce rayonnante de la grande-duchesse Marie Feodorowna, d’abord femme de l’héritier du Trône, ensuite impératrice régnante, finalement impératrice-douairière, qui les présidait : elles étaient composées de la jeunesse la plus élégante de la capitale, et toute étiquette en était bannie.

C’est dans ce décor gardant l’empreinte de tant de souvenirs qu’allait tenir ses séances la première Douma russe. Les travaux d’adaptation qu’on avait dû y faire n’avaient que fort peu défiguré le palais de Potemkine ; quoique manquant de quelques aménagements spéciaux que l’on trouve dans les différents Parlements européens, ce palais offrait aux élus du peuple russe un cadre noble et somptueux.

La salle destinée aux séances de la Douma, et qui avait renfermé autrefois un jardin d’hiver, était de dimensions particulièrement vastes. L’installation en avait été copiée sur celle de la Chambre des députés française : la tribune exhaussée du Président dominait celle de l’orateur, et toutes deux faisaient face à l’hémicycle occupé par les bancs des députés. Cependant, le banc des ministres se trouvait non au premier rang de l’hémicycle comme en France, mais à la droite de la tribune présidentielle, en face des bancs des députés.

Je mentionne ces détails, parce qu’il m’a toujours semblé que la disposition de la salle des séances et la forme extérieure revêtue par les débats exercent une grande influence sur le cours des travaux parlementaires. Lorsqu’il élabora le règlement de la future Douma, le gouvernement eût agi sagement en introduisant dans cette assemblée les formes adoptées par les zemstvos (conseils généraux provinciaux) qui dataient de l’époque libérale de l’empereur Alexandre II et qui, dans la pensée de ce monarque, devaient, en se développant, servir de base à une représentation politique nationale. Dans ces assemblées, il n’y avait pas de tribune, et les orateurs parlaient de leurs places en se tournant non vers l’assistance, mais vers le Président, ainsi que cela se pratique à la Chambre des Communes : il en résultait que les orateurs étaient moins portés à rechercher des effets d’éloquence et que les débats prenaient un tour plus familier. Si cette tradition, déjà, vieille de près d’un demi-siècle, avait été introduite à la Douma,