Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/565

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de mitraille, on sent que les temps sont proches où finira son règne.

C’est pendant cette période que s’opère la résurrection nationale des Tchèques.

L’historien Palacky fut, avec quelques hommes de sa génération, le thaumaturge qui ressuscita la Bohême en lui racontant, dans sa propre langue, sa glorieuse histoire ; contemporain de Mickiewicz et de Michelet, il a été non seulement le héraut du patriotisme tchèque, mais l’organisateur, avec son gendre Rieger, de la vie sociale et politique de la nation. Leurs successeurs l’ont dotée de tous les organes nécessaires à la vie d’un État : écoles, banques, industries, commerce, agriculture perfectionnée, gouvernement intérieur avec le Conseil national élu, armée avec les sociétés de sokols, politique extérieure même avec le mouvement slave ; si bien qu’aujourd’hui, la République tchéco-slovaque peut entrer dans la Société des nations civilisées toute équipée pour la vie, toute armée pour la lutte. Nous ne pouvons faire ici l’histoire de ce magnifique risorgimento qui prouve, à l’encontre des savants allemands, la capacité des Slaves à l’organisation ; mais il faut le signaler comme un fait capital pour l’équilibre et le développement de l’Europe d’après la paix ; il place les Tchèques en avance sur les autres Slaves.

Cette renaissance merveilleuse, cette énergie créatrice dans tous les domaines, les Allemands ne l’ont jamais comprise ; ils n’y ont vu qu’une usurpation sur leurs droits. En raison de son éducation allemande, François-Joseph ne comprit jamais la place que les Slaves du Nord et du Sud tenaient dans ses États et l’appui qu’il aurait pu trouver parmi eux. Par le système dualiste, sacrifiant les Slaves, manquant à la parole trois fois donnée aux Tchèques, oubliant qu’en 1849 il avait dû le salut de sa couronne aux Croates et aux Roumains, il s’abandonna aux conseils des Magyars qui l’entraînèrent dans l’alliance et la vassalité allemandes. Andrassy, qu’il avait failli faire pendre en 1849, devint, en 1871, son ministre des Affaires étrangères et fit, avec Bismarck, la Triple Alliance. Les résultats sont sous nos yeux : l’Empire s’est effondré, le dualisme s’est révélé incapable de survivre à la défaite de l’Allemagne, la dynastie est à terre, la Hongrie expie déjà, les Slaves sont affranchis, les Polonais de Galicie rejoignent leurs frères de