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et unie dans la victoire comme elle l’a été dans sa lutte contre le germanisme et dans son puissant effort d’organisation. Mais elle ne constitue encore qu’un État de dix millions d’hommes sur lesquels on compte à peine sept millions de Slaves, que sa forme étroite et allongée rend particulièrement vulnérable et qui, ne touchant pas à la mer, restera asservi au système de ses communications, même si le libre usage lui en est garanti par le traité de paix et la Société des nations. Il n’est donc pas assez fort, et il ne le sera pas de longtemps, pour rester isolé et dédaigner l’appui de ses voisins. « Bohemia fara da se » ne saurait être sa devise. Pour faire face au germanisme, il s’adosse à la Pologne ressuscitée qui est son alliée naturelle, il regarde au loin vers sa grande amie russe, dont il déplore l’égarement, qu’il travaillera à reconstruire et à qui il donne l’exemple d’un État slave qui sait se discipliner et s’organiser lui-même. Vers l’Occident, il tend la main à la France, à la Belgique, à l’Angleterre et, par-delà les Océans, à l’Amérique, foyers de patriotisme et de liberté, où son cœur s’est réchauffé, où son intelligence s’est nourrie, d’où lui est venu le salut par la victoire et d’où lui viendra toujours un concours amical, inspiré par le plus pur patriotisme et les plus nobles sentiments humains. Au Sud, il regarde vers l’Italie, dont le rôle historique parait tout tracé et qui, après avoir contribué à renverser par lis armes l’Empire des Habsbourg, peut devenir l’amie de tous les États nouveaux issus de sa dislocation. Dans l’intérieur même de l’ancienne monarchie ou dans son voisinage immédiat, les Tchéco-Slovaques sont étroitement solidaires du groupe des Slaves du Sud, frères de misère et de gloire qui, de l’autre côté du Danube, leur font vis-à-vis et apparaissent comme la seconde colonne d’un portique monumental qui ouvrirait l’accès du monde oriental[1]. Plus loin, la Roumanie latine ne demande qu’à fraterniser avec les nouveaux États nés ou agrandis comme elle par la victoire des Alliés. L’avenir des petites et moyennes nations issues de la dislocation du grand corps historique de l’Empire des Habsbourg est dans leur union.

  1. Nous aurons l’occasion de revenir sur le groupe yougo-slave, qui est à la fois balkanique, danubien et adriatique.