Page:Revue des Deux Mondes - 1919 - tome 51.djvu/583

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le mouvement bolchevique en Hongrie et la dictature du prolétariat sont encore une forme de la protestation nationale magyare contre le démembrement de l’ancien État hongrois. N’a-t-on pas vu le comte Karolyi, désespérant d’obtenir les concessions qu’il avait espérées de l’Entente, passer la main aux Communistes ? Mais une tactique si hasardeuse porte en elle-même son châtiment. L’armée et la police ayant disparu, tous les pouvoirs sont tombés aux mains d’une bande de jeunes gens, presque tous juifs, qui ont organisé, sur le modèle de Pétrograde, la destruction de la bourgeoisie et du capital, et travaillent avec ardeur à répandre dans les pays voisins leurs doctrines de nivellement social et de ruine économique. La malheureuse Hongrie expie. Pour son honneur et son intérêt, l’Entente ne peut pas laisser se développer plus longtemps pareille saturnale au centre de l’Europe Avec l’aide des éléments sains du pays, elle sauvera la Hongrie d’elle-même.

Aussi bien la Hongrie sera-t-elle un État viable. Le Magyar est, par excellence, l’homme des plaines ; il gardera ses immenses champs de blé, de maïs et de betteraves et les étendues indéfinies de sa Puzta herbeuse où il exerce l’agilité de ses beaux chevaux. Avec ses deux grands fleuves, le Danube et la Tisza, qui lui ouvrent vers la Mer Noire au Sud-Est, vers l’Autriche et la Bohême au Nord-Ouest, des voies commerciales naturelles, avec ses chemins de fer, il est admirablement placé pour devenir le premier peuple producteur et exportateur de céréales, de bétail, de chevaux, de volailles, de sucre, de l’Europe Centrale. Tchéco-Slovaques, Yougo-Slaves, Polonais, Autrichiens, sont ses clients naturels ; il aura aussi, avec les États riverains du Bas-Danube, des relations nécessaires.

Ainsi l’économie nationale montre les voies à la politique et l’on peut entrevoir les grandes lignes de la solution d’un problème qui trouble l’Europe centrale depuis le IXe siècle et qui consiste à articuler pacifiquement l’État magyar parmi les peuples slaves, roumains et allemands, au milieu desquels il est tombé, comme un bolide, au temps d’Arpad. La difficulté sera vaincue par le respect de tous les droits légitimes. La nation magyare a sa place, mais rien que sa place, parmi les peuples de l’Europe centrale ; elle est brave, laborieuse, amie des arts et de la haute culture ; elle est capable de noblesse et de générosité quand elle ne se croit pas tenue aux duretés de l’égoïsme