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direction générale de Péronne ; les Anglais, sur un front de vingt kilomètres, en direction générale de Bapaume. Ils soutiendront leur effort près de trois mois, jusqu’au 27 septembre.

C’est à cette phase de la guerre et plus particulièrement à cette bataille que s’applique le mieux la formule célèbre : « L’artillerie conquiert, l’infanterie occupe, » — c’est-à-dire l’infanterie avance seulement après que le feu a détruit devant elle tous les obstacles matériels. À cette époque, après tant d’expériences sanglantes, chacun a pu constater que le rôle des armes portatives, fusil, baïonnette, sabre, est allé toujours se réduisant et qu’il suffit d’une petite équipe d’hommes énergiques et bien abrites qui servent une mitrailleuse pour arrêter la poussée d’une troupe d’infanterie décuple, centuple, si disciplinée soit-elle et quelque formation qu’elle puisse prendre. À cette époque, chacun a pu reconnaître le fait fondamental de la guerre qui se déroule : elle a révélé la puissance défensive de l’armement. C’est qu’elle est aux guerres napoléoniennes et à la guerre de 1870 ce que l’usine d’aujourd’hui est à l’atelier de jadis. Comme la Machine domine le système social de notre temps, la Machine domine aussi le champ de bataille. Sur le champ de bataille moderne, son œuvre, c’est le feu, lequel, comme toute action mécanique, est chose précise, régulière, implacable, et qui n’a pas de nerfs. Sur le champ de bataille moderne, le feu est tout. Là où il a passé, le mouvement de l’infanterie est possible ; non pas là où il n’a point passé, non pas là où il n’a agi qu’incomplètement. Tout doit donc se ramener à obtenir la supériorité du feu : et puisque seule la mitrailleuse peut triompher du fusil et que seul le canon peut triompher de la mitrailleuse, la supériorité en artillerie devient l’élément essentiel de la bataille. L’action d’artillerie n’est pas une phase de la bataille : c’en est la trame elle-même. Pour appliquer cette doctrine, nous disposions sur la Somme d’une artillerie nombreuse, magnifiquement approvisionnée, bien réglée par une belle flotte aérienne : et l’infanterie ne fut guère engagée que là où le canon lui avait au préalable ouvert le chemin. De plus nous avions appris à suivre la méthode que, dès le lendemain déjà bataille de Champagne, en septembre 1915, l’un de nos tacticiens avait préconisée et su mettre au point : celle qui subordonne d’une façon absolue