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21 mars, achevait de désorganiser toute l’aile gauche anglaise, et les armées Horne et Plumer après les armées Goug à et Rawlinson. Une seule restait intacte, celle du centre, la IIIe, occupant le secteur d’Arras, sous les ordres du général Byng. Celle-ci, composée de troupes excellentes, les troupes des Dominions, — les mêmes qui avaient remporté devant Cambrai, en novembre 1917, une des plus brillantes victoires de la guerre, — se trouvait maintenant, par suite du fléchissement sur la Somme et la Lys, dans une position délicate et déjà singulièrement menacée sur les flancs.

À ce moment, l’ennemi eut le choix de reprendre où il l’avait laissée sa grande opération du 21 mars, et son essai de rupture au centre des armées alliées. Mais déjà il n’est plus son maître : ébloui par son succès, il se laisse entraîner dans la poche d’Armentières ; il aperçoit soudain l’espoir de l’approfondir et de l’étendre encore : à dix kilomètres de ses lignes, il entrevoit Hazebrouck, gros nœud de voies ferrées, espèce de plaque tournante conduisant à Calais, à Dunkerque, à Ypres ; la chute du saillant d’Ypres, déjà si fortement entamé à sa base, ne coûte plus qu’une légère secousse. Derrière, c’est la côte, c’est toute l’armée belge et toute l’armée Plumer faites prisonnières en rase campagne, ce sont les ports de la Manche et du Pas-de-Calais, tous les liens coupés entre l’Angleterre et la France, bref une victoire écrasante, probablement mortelle pour les forces alliées. Telles sont les perspectives qui s’ouvrent pour l’ennemi au fond de la trouée. L’opération secondaire se développait en cours de route et devenait principale. On se trouvait en mesure de réaliser sur la Lys tout ce qu’on s’était proposé d’obtenir sur la Somme, et peut-être davantage, puisqu’après cette défaite l’armée anglaise ne comptait plus, et que les Alliés avec les ports perdaient la maîtrise de la mer. Ces espérances l’emportèrent. L’ennemi, subjugué, par sa, propre victoire, s’engouffre dans la poche d’Armentières.

On demeure étonné de cette résolution, quand on considère le terrain sur lequel il s’agissait de s’avancer. Cette partie de la (plaine des Flandres, où s’écoule le cours supérieur de la Lys, est en effet comprise entre deux systèmes de hauteurs qui la bornent au Sud et au Nord comme deux murailles parallèles : au Sud, ce sont les collines de l’Artois qui forment de ce côté, jusqu’aux falaises du Boulonnais, un des bastions de la France,