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l’ordre au général Pétain d’appuyer légèrement à gauche et de déplacer son dispositif à une étape vers le Nord. Le lendemain et les jours suivants, il continue de pousser doucement ses têtes de colonnes et, sans modifier l’ordre donné à l’armée anglaise de tenir à tout prix sur ses positions, il lui prescrit de s’organiser en profondeur et détache en avant deux corps de cavalerie (un français et un britannique) pour faire ces retranchements et pour les occuper. En même temps, toujours soucieux de suffire aux affaires locales avec les ressources locales, il demande à 1’arrnée belge de mettre à la disposition du général Plumer, commandant la IIe armée britannique, ses réserves (deux divisions d’infanterie et deux de cavalerie). Le général Gillain, qui avait remplacé la veille le général Ruquoy comme chef d’état-major général de l’armée belge, répondit (13 avril) qu’il ne pouvait le faire sans compromettre Dunkerque. Il consentait toutefois à étendre son front vers le Sud jusqu’à Ypres, ce qui libérait quelques forces anglaises (14 avril). Et le beau combat de Merckem, remporté le 17 avril, montra mieux encore quels services l’armée du roi Albert pouvait rendre à la cause commune.

Mais il devenait évident que l’affaire du 9 avril prenait des proportions de premier plan, et que l’ennemi, emporté par l’événement, allait tout faire pour changer son succès tactique en succès stratégique. C’est l’instant où les Allemands crurent saisir là-haut la victoire, rattraper au vol l’occasion qui ne se retrouve plus, le hasard favorable et le sourire de la déesse qui venait de leur glisser des mains devant Amiens. Illusion fugitive, ils la virent, comme une lueur oblique, danser un moment sur les Monts. C’était une seconde édition d’octobre 1914 qui se reproduisait au printemps de 1918, un renouvellement de la manœuvre qui avait essayé de rejouer sur l’Yser la partie perdue sur la Marne. Le drame, pour quelques jours, changeait brusquement de décor. Ce pays de Flandre, enjeu de tant d’âpres combats, retrouvait son actualité. Il n’y eut plus à s’y tromper le 15 avril, jour où les Allemands enlevèrent aux Anglais Meteren et Bailleul. Le lendemain, quand ils cherchèrent à exploiter ce succès et qu’ils prononcèrent un effort sur la route d’Hazebrouck, pour tourner les Monts par le Sud-Ouest, ils furent bien étonnés de voir en face d’eux des casques bleus et d’avoir affaire aux Français.