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premières pentes du Kemmel envahies, et le barrage allemand se fixait déjà sur la crête, enfouissant nos mitrailleuses. Les armes ne fonctionnaient plus. À ce moment, le colonel Borne, commandant le 99e, désigne un de ses bataillons on réserve sur le Kemmel qu’il lance, en dépit des barrages, à la charge sur les pentes Sud. La contre-attaque, menée a fond de train, bouscule l’ennemi sur un terrain semé de cadavres, jusqu’à sa ligne de départ ; mais là elle se heurte à une deuxième vague allemande qui partait au même moment, accompagnée d’une ligne de mitrailleuses légères, de petits minenwerfer et soutenue de batteries mobiles de 37 et de 77. Cette nouvelle vague est détruite devant notre groupe de contre-attaque par les dernières mitrailleuses en état de tirer, mais sur la gauche elle parvenait à aborder le village. Peu après, une troisième vague atteint la crête du Kemmel, où l’on se bat corps à corps. Le colonel Borne jette alors sa dernière compagnie pour essayer de prendre les assaillants à revers. Il revenait, vers neuf heures, à son poste de commandement qui se trouvait dans une petite sape à l’Ouest de la crête. Elle était déjà envahie. Le colonel put s’éloigner avec deux ou trois officiers, poursuivi par les balles.

En effet, vers la droite, il s’était passé un incident grave. Profitant de la rupture du 30e régiment, le Corps alpin avait complètement débordé l’aile gauche de la division voisine (154e) et, par une infiltration audacieuse, à la faveur de la brume et des défilements du terrain, des couverts, des épaves de baraquements anglais dont j’ai parlé plus haut, se glissait d’abri en abri, gagnait la vallée du Hellebeek. On se souvient que cette vallée forme un ravin fort encaissé, qui tourne le Kemmel par l’Ouest. Dès sept heures du matin, l’ennemi parvenait par-là jusqu’à la région de nos batteries, les attaquait à la mitrailleuse. Ces batteries, criblées de balles, durent, tout en se défendant, amener les avant-trains, replier ce qu’elles purent de leurs pièces au galop et faire sauter les autres. Un groupe dut détruire ses douze pièces ; le lieutenant Freydier-Dubreuil, après avoir tiré à vue sur l’infanterie allemande jusqu’à la hausse de 700 mètres, brûlé toutes ses munitions, réussit à atteler et à ramener sa section. Les officiers anglais se battirent à la carabine ; on parle de corps à corps où les servants assommèrent les Boches à coups de culasses. Les Anglais firent sauter vingt-cinq canons lourds. A neuf heures du matin, l’ennemi atteignait,