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IV

Ils n’eurent pas besoin toutefois d’en venir à cette extrémité, car aucun d’eux ne voulait prendre la responsabilité d’une conflagration générale au moment où ils prétendaient apporter à l’Europe les bienfaits de la paix ; de leur côté, les Russes et les Prussiens se montrèrent plus accommodants en voyant leurs adversaires devenir plus résolus. Le différend fut apaisé, comme il aurait dû l’être dès le début, au moyen d’un compromis. La Prusse se contenta des deux tiers de la Saxe, après en avoir réclamé la totalité, la Russie, de son côté, lui abandonna quelques morceaux de la Pologne, en gardant tout le reste. — Quelques marchandages de détail retardèrent jusqu’au milieu de février la répartition définitive des territoires en litige. Presque à la même date, la question de Naples, la dernière qui parût de nature à susciter de sérieuses difficultés, se trouva résolue par un coup de tête du principal intéressé. Croyant sa cause perdue devant le Congrès, Murat préféra recourir aux armes pour sa défense, appela l’Italie à l’indépendance, et provoqua contre lui une exécution militaire qui aboutit au rétablissement des Bourbons sur leur ancien trône. Après avoir ainsi traversé la crise décisive de son existence, le Congrès n’eut plus à régler que des affaires qui exigeaient plus de patience que de décision. Avant d’en finir avec son histoire, il convient toutefois de rappeler comment il a résolu deux questions destinées à engager l’avenir pour plus d’un siècle, et auxquelles de récents événements ont prêté un singulier intérêt d’actualité.

La première avait été soulevée par les discussions relatives au sort de la Saxe. La Prusse attachait un tel prix à l’annexion de ce pays qu’elle proposait d’en indemniser le Roi avec une souveraineté nouvelle, formée de territoires disponibles sur la rive gauche du Rhin, et comprenant tout le Luxembourg, l’ancien évêché de Trêves, la région de Malmédy et enfin Bonn comme capitale. Dans la pensée de Hardenberg, cette création, qui englobait 700 000 habitants, aurait dû être complétée par celle d’un autre État, d’importance moitié moindre (276 000 âmes), constitué plus au Nord entre la Meuse et le Rhin, et destiné à la maison de Nassau en échange de ses possessions