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immédiate de notre brève méditation est qu’il est bon et beau d’être soutenu et comme porté au bout de deux bras robustes; mais que, s’ils ne sont pas tout tendus, il est prudent de garder, fût-il plus mince, son poing bien fermé et bien armé: c’est que les alliances sont nécessaires, mais qu’elles ne sont pas suffisantes. D’ailleurs, cette hypothèse d’une nouvelle attaque allemande n’est ni la seule ni la plus vraisemblable; il se peut parfaitement que l’Allemagne, sans recourir à une agression, se borne à nous apporter une résistance passive, n’exécute point le traité, et nous dise : venez l’exécuter vous-mêmes. Ce cas est-il prévu, et, alors, l’alliance se déclencherait-elle?

Quoi qu’il en soit, nous sommes si heureux du supplément de force et de garantie que nous apportent les paroles de M. le Président Wilson et de M. Lloyd George, que nous voudrions le voir se corroborer encore d’un autre complément. Nous voudrions qu’il ne manquât personne à l’alliance occidentale, pour toutes sortes de raisons : d’abord, pour lui donner la plénitude de son pouvoir à l’extérieur; ensuite, pour lui donner, avouons-le, un équilibre intérieur. En termes clairs et positifs, nous souhaitons que l’alliance franco-anglo-américaine soit étendue à l’Italie. En termes non moins clairs et non moins nets, la paix anglo-saxonne entraîne pour nous, comme conséquence forcée, l’union latine.

De grands groupements ethniques se seront constitués par cette guerre, qui devait libérer les petites nationalités; et peut-être, en effet, en sortiront-elles libres, mais rapprochées par les origines, les affinités, par la race. Il y aura demain un bloc anglo-saxon : les questions qui risquaient d’y faire une fissure, comme celle de la liberté des mers ou celle du partage des colonies allemandes, n’ont pas même été soulevées. Il restera un bloc germanique, que nous aurons assez de peine à empêcher de se grossir des débris allemands de l’Autriche. Il n’est pas impossible, malgré les tendances divergentes de ses molécules, qu’à la longue il se forme un bloc slave. Et la France, que pèsera-t-elle entre ces colosses, avec ses quarante millions d’habitants ? Mais le bloc latin y pèserait son poids, surtout, si, après l’Italie, il se réagrégeait l’Espagne.

Ce qu’il faut retenir et avoir constamment devant les yeux, c’est que voici non plus seulement les nations, mais les races rangées à côté et en face les unes des autres, et que c’est entre elles désormais que va se jouer le jeu de ce monde. La race latine restera-t-elle seule séparée, sinon divisée? Nous n’en demandons pas l’alliance contre